Tout au bout de mes rêves
L’accomplissement. De soi, d’un geste qui aura de grandes conséquences, d’une chute au mauvais endroit au mauvais moment. Entre deux jambes que l’on connait à peine ou de deux jambes sur une scène que l’on ne connaitra jamais assez intimement. Papa was not a Rolling Stone, le film de Sylvie Ohayon qu’elle adapte de son autobiographie est bouleversant et dépassera aisément les débats périphériques sur les conditions sociales et identitaires. Car la réalisatrice nous permet de fréquenter les petites ruelles, de nous asseoir dans des fauteuils abandonnés sur les trottoirs pour comprendre ce qui anime, angoisse et émeut une jeunesse que les politiques lointaines ou les échos lointains de conflits n’ont pas encore réussi à démolir. La conception de Stéphanie date d’une fin de soirée arrosée entre une mère juive et un père kabyle. Elle grandit dans les cités de La Courneuve. Les relations difficiles avec son beau-père, les mots de Jean-Jacques et les maux de Fatima, les attentes faibles de conseillers d’orientation qui mettent du vieux pain sur leurs balcons, les sacs poubelles qui tombent des balcons et les fameuses réputations… Tant de choses autour desquelles Stéphanie slalome en découvrant l’amour et en devant choisir. Choisir non plus en fonction des représentations d’autrui mais entre ses multiples rêves. Doria Achour interprète magistralement le rôle et de par sa beauté d’actrice nous promet d’autres grandes retrouvailles. Sans oublier Marc Lavoine et Aure Atika, sentinelles discrètes de la qualité d’une œuvre sachant être précieuse et populaire.
Un beau film vous transporte, vous permet de venir tutoyer les personnages sur l’écran. Mais un film qui vous marque profondément suscite en vous l’envie de connaitre la suite. De l’histoire, mais aussi des petites histoires et notices biographiques des personnages. Comme ce fut le cas lorsqu’après avoir scruté les moindres détails sur le film A.I. de Kubrick et Spielberg, j’ai découvert dans l’histoire originale que Martin, le frère de l’androïde David était devenu architecte afin de construire des maisons pour les androïdes abandonnés comme le fut David. Et ce détail sans importance provoqua une certaine émotion. Tout au bout des rêves cinématographiques où la raison s’achève on a envie de savoir ce que deviennent les nombreux personnages attachants de Papa was not a Rolling Stone. Notre chance étant que le livre écrit par Sylvie Ohayon en 2011 nous le permet.