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Israël

La poudrière du Mont du Temple

Depuis la tentative d’assassinat, le 30 octobre dernier, du rabbin Yehuda Glick, figure du mouvement prônant la prière juive sur le mont du Temple, des politiciens de droite se sont rendus sur le site sacré, faisant eux aussi l’objet de menaces. Double standard pour les fidèles juifs et musulmans, question de l’accès des Juifs au site et statu quo, font de ce haut lieu de Judaïsme une poudrière religieuse.

Considéré comme lieu le plus saint pour les Juifs, qui sont autorisés à y accéder mais pas à y prier, le mont du Temple abrite également la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher, et représente le troisième site le plus sacré pour les musulmans, après La Mecque et la mosquée du Prophète à Médine. Une inégalité qui crispe les fervents défenseurs de la prière juive en ce lieu spirituel. Le Grand Rabbin de Tsahal, Rafi Peretz, a déclaré début novembre devant les élèves d’une Yeshiva : « A l’exception de la mosquée al-Aqsa, le reste du site, y compris le Dôme du Rocher, ne contient aucune signification religieuse pour les croyants [musulmans] », expliquant que lorsqu’ils prient en faisant face à la Mecque, « ils tournent le dos au mont du Temple ». « Alors que font-ils au mont du Temple ? », s’est-il insurgé.

Une question à laquelle le fameux statu quo répond. La victoire israélienne au terme de la guerre des Six Jours en 1967 a permis à l’Etat hébreu de prendre le contrôle de Jérusalem-Est et du mont du Temple, alors administrés par le Waqf, l’office des biens musulmans sous souveraineté jordanienne. Selon les termes du traité de paix israélo-jordanien, Amman a conservé le rôle d’administrateur des lieux de culte. La police israélienne surveille pour sa part les visiteurs et l’accès au site, tandis que la « Mourabitoun » ou garde palestinienne, dont le financement provient de diverses organisations islamistes et de plusieurs États du Golfe, est stationnée près des mosquées. Les  membres de la faction palestinienne sont parfois impliqués dans des affrontements avec des fidèles et  militants juifs.

Aujourd’hui, le statu quo permet aux musulmans de prier sur le Mont du Temple. Ce sont environ 30 000 fidèles de l’Islam qui prient à la mosquée al-Aqsa chaque jour, selon le porte-parole de la police israélienne et inspecteur en chef, Micky Rosenfeld. Les Juifs ont eux uniquement le droit de s’y rendre sans prier, à certaines heures et sous stricte surveillance – qui comprend l’inspection des mouvements des lèvres, afin d’empêcher toute prière juive. Le site d’information israélien Ynet avançait il y a quelques semaines qu’une nouvelle proposition de loi appelait à autoriser les Juifs à prier sur le site. Une information que le Premier ministre Benyamin Netanyahou s’est empressé de démentir : « Je tiendrai mon engagement, et Israël tiendra son engagement à maintenir le statu quo exactement tel qu’il est depuis plusieurs décennies », a-t-il déclaré, sans omettre de rappeler qu’il s’agit du « site le plus sacré » pour les Juifs « depuis l’époque de notre patriarche Abraham ».

Les deux Grands Rabbins d’Israël s’opposent également à l’accès des Juifs au mont du Temple, qui revêt une sainteté telle qu’il ne devrait pas être foulé par les fidèles, à l’exception du Cohen Gadol le grand prêtre d’Israël. Le mois dernier, le Grand Rabbin sépharade Yitzhak Yosef a exhorté les Juifs à arrêter de tenter de se rendre au mont du Temple afin d’apaiser les tensions. « Nous avons besoin de mettre un terme aux incitations [à la violence] provoquées par les personnes qui vont au mont du Temple », a déclaré Yitzhak, réitérant l’interdiction juive de se rendre sur le site. Le ministre de l’Economie Nafatali Bennett a immédiatemment réagi, écrivant sur Facebook : « Non, Honorable Grand Rabbin, le sang des Juifs a coulé car les Arabes les ont tué ».

Le site religieux fait en effet l’objet d’une certaine politisation, que dénonce le chef de la police Yohanan Danino : « Nous observons, la plupart du temps après les élections, que les membres de la droite radicale s’emparent du mont du Temple pour en faire un sujet de leur ordre du jour », n’hésitant pas à montrer sa désapprobation concernant l’autorisation d’accès que le procureur général a concédée aux députés le mois dernier.

Il y a quelques jours, une cinquantaine de rabbins ont de leur côté signé une lettre approuvant l’accès des Juifs au mont du Temple. Une initiative qui semble être accueillie avec un intérêt particulier, puisque plus de 90 % du public religieux en Israël souhaite être autorisé à prier sur le site sacré, selon le quotidien Haaretz.