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Arts

Charb, Cabu, Wolinski… et nous autres

Lorsque Michel Denisot demanda à Pierre Desproges s’il avait eu des soucis avec les juifs concernant son sketch sur eux, il répondit qu’il en avait surtout eu avec les antisémites. Charlie Hebdo symbolise cette même ambition, ce même combat. Non pas d’offenser telle origine, appartenance, orientation, mais d’élever les lecteurs au-delà des préjugés, des haines et de la volonté si simple de s’en prendre à autrui à cause de la politique, de la crise ou des résultats de son équipe de foot. De montrer que la connerie est aussi le propre de l’homme, de tout homme. Et que de lui balancer quelques coups de crayon en guise de miroir est salvateur.

Depuis 50 ans, la bande à Choron et ses héritiers bouleversent nos idées reçues, ambitionnent de nous ramener vers la plus noble des fraternités, née de cet esprit qui entama sa marche de Selma à Montgomery. De ces années 60 tant décriées aujourd’hui. Car malgré tout ce que certains en disent, Desproges, déjà assez critique de Mai-68, accordait à ces jeunes des rêves et une générosité qui manquaient déjà tant une génération plus tard.

Pour ceux qui aiment la presse satirico-philosophique, Charlie est le dernier rempart ayant une grande influence. Surtout depuis la mort lente de son cousin américain Mad Magazine. Ce magazine dont Patti Smith déclara que les drogues n’avaient plus d’effet depuis sa lecture, tellement il bouleversait les portes de la perception. Le rédacteur en  chef historique de Mad, Al Feldstein, partit à la retraite en 1984, après 30 ans de bons et loyaux services. Son fondateur, William Gaines, mourut en 1992. Puis, quelques années plus tard, Mad accepta des publicités et mit fin à son indépendance. Tout cela rendit Charlie encore plus précieux.

Les grands combats contre la haine, la défense de la liberté d’expression, tels qu’ils ont été criés hier place de la République, resteront nos armes, notre ambition. Mais pour revenir à des choses plus simples et immédiates, il sera aussi difficile de se promener à Paris sans penser à Cabu et sa manière, comme Will Eisner d’immortaliser une rue, un immeuble, un petit bout d’histoire. Cabu, Charb, Tignous, Honoré, Wolinski, Maris, Ourrad, Cayat… tous partent avec cette dernière volonté, ce testament: parler, écrire, dessiner, partager enthousiasmes et fantasmes plutôt que de laisser parler les balles.