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France

Une journée particulière

La France était tout entière dans la rue en cette journée pas comme les autres. Digne, silencieuse, déterminée. Sans la moindre haine. Sans le moindre ressentiment.
Avec des manifestants brandissant des crayons comme étendards, ou des jeunes filles les attachant dans les cheveux. Avec des slogans qui ressemblaient à un sursaut. « Je suis Charlie », « Je suis juif », « Je suis policier », « La France debout », « Nous n’avons pas peur ! »
Comme cette manifestation était sublime ! Comme il faisait bon d’y être ! Comme il y avait un air de concorde et de communion sur la place de la République qui n’a jamais été aussi belle, triste et joyeuse à la fois ! Une marche pour l’histoire. Un défilé jamais vu. Inédit dans ses dimensions, dans son format, dans ses intentions. Un air tout d’un coup d’avoir retrouvé les bons réflexes. La Marseillaise chantée tout au long du parcours. Et un message adressé au monde entier. Quand on touche aux fondamentaux, ce peuple frondeur, gouailleur, généreux, sait dire : Halte là !
Il y eut beaucoup d’émotion. L’accolade Hollande-Pelloux. Le groupe, au premier rang, des proches, des journalistes de Charlie Hebdo, des familles endeuillées, suivis par la cohorte des chefs d’Etat. Le rassemblement autour de l’Hypermarché de la porte de Vincennes, pas loin de la place de la Nation. Les juifs de France enfin associés à ce sursaut républicain. Parce qu’ils ont payé avant tout le monde leur tribut au terrorisme islamiste, et parce qu’ils ont payé plus que tout le monde.
Beaucoup de larmes dans la soirée, à la synagogue de la Victoire où il y eut un hommage aux victimes de la prise d’otages à l’Hypermarché, suivi d’un allumage bouleversant de dix-sept bougies en mémoire des dix sept victimes, journalistes, policiers, otages juifs…, tous confondus. Avec cette dernière bougie allumée par deux femmes, une juive et une musulmane, Eva Sandler et Latifa Ibn Ziatten, qui ont toutes deux perdu leurs enfants et mari dans l’attentat abominable de Toulouse ;.
Oui bien sûr, le temps de la politique reviendra, personne n’en doute. Ce n’était qu’une manifestation. Enorme. Gigantesque. Emouvante. Mais nos responsables, à droite, à gauche, au centre, auraient tort de croire qu’après ce moment de ferveur, on peut revenir au petit jeu de la politique politicienne comme si de rien n’était.
A côté de la tristesse pour ces figures qui faisaient partie de notre paysage mental et qui nous ont quittés, quelque chose a changé irrémédiablement autour de nous depuis le11 janvier, et ceux qui voudront prendre le risque de dilapider ce message, de le contrecarrer ou de le laisser s’effilocher, auront du mal ! Beaucoup de mal.
Il y a eu dimanche dernier un événement. C’est-à-dire quelque chose qui surgit tout d’un coup avec une force singulière et qui bouleverse toutes les données. Il faut une capacité pour le reconnaître. Il faut une aptitude à l’accueillir sans essayer d’y plaquer on ne sait quel automatisme. Il faut une disponibilité pour le recevoir. Il sort des cadres. Il bouscule le jeu. Il interpelle. Mais on a envie de dire : Enfin ! Et on a envie, juste après, de poser des questions.
Est-ce qu’on va prendre conscience de l’étendue des problèmes ? Est-ce qu’on va prendre conscience du désarroi des juifs de France ? Est-ce qu’on va appeler les choses par leur nom ? Est-ce qu’on va dénoncer le terrorisme islamiste en l’appelant par son nom ? Est-ce qu’on va prendre des mesures pour prévenir le djihadisme à la française, le traquer, le poursuivre, empêcher le retour de ceux qui s’y adonnent ? Est-ce qu’on va adopter d’autres mesures que le traditionnel renforcement du niveau de sécurité derrière les bâtiments à risque, les institutions juives, les synagogues et les écoles ? Est-ce qu’on va renoncer à cette idée, pas très bien inspirée, c’est le moins qu’on puisse dire, d’envoyer l’armée pour protéger les synagogues et les établissements juifs ? Est-ce qu’il y aura vraiment un « avant » et un « après » ? Dans les têtes. Dans les écoles. Dans le débat public.