Après avoir dévoilé mardi devant l’Assemblée Nationale les grandes lignes prises par le gouvernement pour combattre le terrorisme, Manuel Valls a précisé et complété ce matin cet arsenal politique et judiciaire lors d’une conférence de presse à l’Elysée, en présence des ministres concernés, Bernard Cazeneuve, Intérieur, Christiane Taubira, Justice, Jean-Yves Le Drian, Défense, et Lauren Fabius, Affaires Etrangères.
La cible tout d’abord. Selon Manuel Valls, ce sont quelques 3000 personnes qui doivent désormais être surveillées. « 1300 Français ou étrangers résidents en France pour leur implication dans les filières terroristes en Irak et en Syrie », soit une augmentation de 130% en un an. « A cela s’ajoutent 400 à 500 personnes concernées par les filières plus anciennes ou concernant d’autres pays, ainsi que les principaux animateurs actifs dans la sphère cyber-djihadiste francophone. En tout ce sont près de 3000 personnes à surveiller », a précisé le Premier ministre. A cette fin, le gouvernement va créer au cours des trois prochaines années 2680 emplois supplémentaires : 1400 au sein du ministère de l’Intérieur, 950 au ministère de la Justice, 250 à la Défense et 80 au ministère des Finances. Lutter contre le terrorisme sur tous les fronts, terrain, internet et portefeuille, a un coût. Ce plan de renforcement de la lutte contre le terrorisme prévoit au total 425 millions d’euros de « crédits d’investissement, d’équipement et de fonctionnement ». Ces dépenses « seront compensées par des économies sur l’ensemble du champ de la dépense publique, année après années », a expliqué Manuel Valls, ajoutant qu’en incluant les frais de personnels, l’enveloppe atteindrait quelques 735 millions d’euros sur trois ans.
Pour compléter ce dispositif, le chef du gouvernement a également annoncé que « 60 aumôniers musulmans supplémentaires » seraient recrutés pour les prisons où officient déjà 182 religieux. Des prisons dans lesquelles seront crées « 5 quartiers » dédiés au regroupement de personnes détenues radicalisées, sur le modèle de l’expérimentation actuellement en cours à la prison de Fresnes.
Concernant l’encadrement législatif et juridique, le projet de loi sur le renseignement, dont l’examen était prévu à l’automne, sera avancé au début du mois de mars. « La loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l’internet, l’encadrement légal des opérations réellement conduites est lacunaire », a reconnu Manuel Valls, ajoutant : « Désormais, l’intégralité des opérations assurées sur le territoire national bénéficieront de la légitimité de la loi et feront l’objet d’une autorisation expresse. Ce sera un texte protecteur des libertés publiques puisque chaque opération sera soumise à un contrôle externe indépendant, sous le contrôle d’une juridiction spécialisée ».
De quoi rassurer les sceptiques qui craignent de voir entrer en vigueur un Patriot Act à la française, sur le modèle des mesures prises aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001. Au Syndicat de la Magistrature, l’un des premiers à s’en inquiéter, Christiane Taubira a répondu que « toutes les mesures prises sont dans le respect de l’Etat de droit ».
Manuel Valls a également indiqué qu’il proposerait « une réflexion transpartisane » sur la réactivation de la peine d’indignité nationale et que des propositions « compatibles avec notre droit et nos valeurs » seraient présentées d’ici six semaines.