Une réunion spéciale consacrée à l’antisémitisme s’est tenu jeudi 22 janvier à l’AG des nations Unies à New York.
La réunion informelle de l’Assemblée générale des Nations Unies afin de traiter de l’inquiétude face à la montée de l’antisémitisme avait été décidée en octobre, mais la triste ironie calendaire a voulu que la rencontre se déroule ce jeudi 22 janvier, deux semaines après les attentats contre Charlie Hebdo et Hypercasher. Devant les représentants de 37 nations, peu après 9 heures, le discours inaugural a été prononcé en anglais par Bernard-Henri Lévi. Il suivait un message vidéo enregistré par Ban-Ki Moon, le secrétaire général des Nations-Unies, rappelant que la semaine prochaine aurait lieu le jour de commémoration de la Shoah, mais soulignant que se souvenir n’est pas suffisant. A la tribune, Bernard-Henri Lévi a prononcé un discours résolu et programmatique.
D’emblée, il a voulu réfuter nombre d’«analyses actuelles qui nous empêchent de regarder le mal en face. » et notamment l’idée selon laquelle l’antisémitisme est une variante du racisme. L’un déteste la différence visible entre les êtres, tandis que l’antisémitisme est une haine de l’invisible. Ecarté, aussi, le jugement selon lequel le « nouvel antisémitisme a ses racines dans l’Islam. » N’hésitant pas à employer à plusieurs reprises les termes de bêtise, de stupidité et de monstruosité, de peste et de maladie, et ne reculant pas devant une rhétorique du bien et du mal, il a qualifié l’antisémitisme de « mère de toutes les haines. » Le philosophe a ainsi martelé que l’antisémitisme traditionnel n’était pas incompatible avec la « bête jihadiste ». « Pour que le virus reprenne son assaut sur les esprits et qu’il enflamme des foules de gens ordinaires (…), il faut qu’ils pensent qu’ils font bien ou (…) qu’ils ont des raisons légitimes pour détester les autres, de nouveaux arguments sont nécessaires. » Après un passage en revue des diverses manifestations du passé, BHL a proposé de déchiffrer le présent.
Le philosophe a fait la liste des trois principaux griefs faits aux Juifs : soutien d’un pays malfaisant, instrumentalisation de l’Holocauste et voile jeté sur le drame des autres victimes (particulièrement les Palestiniens) – arguments sont tous trois liés et fallacieux, « des propositions honteuses » selon ses mots. « Je dois dire que même si Israël se comportait exemplairement et était une nation d’anges (…), même alors, cette haine énigmatique ne se dissiperait pas d’un iota. »
Il a alors appelé les Nations Unies à être fidèles à leur vocation pour jeter de nouvelles bases, et à « réhabiliter l’Israel que vous avez porté ici sur ces fonds baptismaux » – des propositions audacieuses tant les relations entre Israël et l’ONU sont des plus tendues : « Imaginons l’Assemblée générale où Israël aurait sa place, avec les mêmes droits et les mêmes responsabilité – et le reconnaître pour ce qu’il est – une démocratie authentique. »
Pour apporter un véritable remède à l’antisémitisme, il s’agit donc de faire taire les négationnistes, d’en finir avec Durban – où les valeurs onusiennes ont été « sacrifiées sur l’autel de l’hystérie antisioniste ». Et pour ce faire, il a proposé deux conférences majeures – l’une sur l’Holocauste et une autre dédiée à toutes les guerres oubliées. Il est nécessaire de dissiper « l’idée stupide qu’un cœur donné n’a de place que pour un seul objet de compassion et de douleur. » Car « le degré d’inhumanité de l’Holocauste a fait que nous avons compris sans délai ce qui se passait au Darfour. » « Loin de nous rendre aveugles aux souffrances des autres peuples, » cette confiance les rend manifestes. « Ce forum est l’un des seuls sinon le seul où l’on peut organiser les « solidarités des ébranlés »dont parlait le philosophe tchèque Ian Patocka, a-t-il conclu et, citant Kafka, « Celui qui frappe un juif jette l’humanité à terre. »
Ont suivi à la tribune Harlem Désir qui a fait un rappel des noms des victimes des attentats de Paris. Et son homologue allemand, soulignant que ce jour est aussi celui de l’amitié franco-allemande et espérant que ce symbole de réconciliation serait une inspiration. Samantha Powers, ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, a conclu la première partie de la réunion, la seconde rassemblant dans l’après-midi des universitaires, tels Robert Wistrich de l’Université hébraïque de Jérusalem.