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Littérature

Le contre-humanisme de Virginie Despentes

Par hasard, je tombe ce soir sur un lien me menant vers les Inrocks et un article signé Virginie Despentes. J’ai lu un livre ou deux de Virginie Despentes, à ses débuts. J’avoue que je ne comprenais pas ce que des critiques pouvaient trouver de génial dedans et je suis toujours stupéfaite quand je vois la place qu’elle occupe dans les pages livres, dans les librairies, cette même stupéfaction que m’inspire Christine Angot. Mais après tout, peut-être ne suis-je pas une lectrice avisée… Peut-être ai-je l’esprit trop imprégné d’une culture que certains pourraient qualifier de classique, de bourgeoise ou encore de conservatrice. J’ai pourtant toujours pensé que cette base, cette connaissance des richesses du passé était la condition sine qua non pour comprendre le présent et peut-être pouvoir le juger avec un peu plus de recul. Je me souviens une fois avoir entendu Despentes déclarer chez Pivot qu’elle ne lisait pas et elle s’en vantait. Un peu comme Angot qui a toujours l’air de dire qu’elle est la seule à être un vrai écrivain. Je ne vois pas comment on peut prétendre faire œuvre littéraire avec de telles déclarations. Mais après tout, peut-être ne suis-je pas une lectrice avisée… et que les écrivains contemporains que j’apprécie sont comme moi, trop éloignés de la « modernité » qu’incarneraient les Despentes et cie.

 

Mais l’article de Virginie Despentes dans les Inrocks m’incite à réagir. A la lire… Enfin, lire, le verbe n’est pas tout à fait exact, déchiffrer car certaines phrases sont tellement mal écrites qu’elles obligent à essayer de remettre les mots dans l’ordre pour essayer de suivre le fil d’une pensée tout en songeant que cet effort intellectuel est vain tant il aboutira à constater la vacuité ou la débilité de la réflexion ânonnée.
Par exemple : « La censure est interne, c’est un carcan qu’on incorpore. » Le verbe incorporer m’a fait penser que Virginie Despentes a dû au moins lire des recettes de cuisine.

« A force, pour les gens comme moi qui étions dubitatifs de l’intérêt de cette gauche, le doute s’instaure : cette gauche aurait-elle plus de sens que ce que nous avions cru ? » ou encore : « C’est un dialogue qu’ils ont entre eux. Ce sont les hommes qui veulent la guerre. Je comprends qu’on me réponde “ne mélange pas tout”. Mais il faut comprendre qu’en moi tout se mélange. Je ne parviens pas à faire de différence entre ces différentes façons de mourir. Cette imposition de la volonté de tuer dans des quotidiens qui n’avaient rien à voir avec la guerre. » Imposition… peut-être Virginie Despentes est-elle hantée par les impôts qu’elle paye sur ses droits d’auteur ? Pour le reste, j’avoue que je ne comprends que vaguement le sens qu’elle veut donner à ce charabia.

Bon, ne faisons pas comme elle, élevons le débat, je sais qu’il est bien facile de se moquer d’une phrase ridicule ou impropre, il y a en chez tous les grands écrivains… avec Virginie Despentes la proportion est simplement inversement proportionnelle, on cherche la phrase au moins sensée et bien écrite.

Non, si je réagis c’est parce que les propos de Virginie Despentes sont non seulement débiles (mais si ce n’était que ça) mais honteux, révoltants. Qu’après les attentats de la semaine du 7 janvier elle ait été prise d’un sentiment d’amour à l’égard de son prochain comme elle l’explique, c’est normal. Mais dans son article, c’est surtout l’amour qu’elle porte aussi à ces tueurs qu’on retient, qu’elle met en valeur. Sous sa « plume » ce sont d’abord eux à plaindre, de pauvres enfants perdus que la méchante société capitaliste et judéo-chrétienne a rejetés. Ils n’ont pas si bien réussis que la jeune policière ou les clients juifs de l’épicerie… mais finalement, ce n’est pas de leur faute à ces terroristes. Il faut les aimer.

Pour un peu, ce sont les victimes qui seraient coupables parce qu’elles avaient réussi. Faut-il lui rappeler qu’un autre homme qui a priori n’avait pas réussi, M. Lassana Bathily, qui n’avait même pas la chance d’avoir une carte d’identité française à la différence des terroristes, ne s’est pas dit face au danger que courait les clients de l’épicerie : tant pis pour eux ou ils l’ont bien cherché en nous rejetant.

Je cite les deux passages les plus choquants du « cri d’amour » de Despentes : « J’ai été Charlie, le balayeur et le flic à l’entrée. Et j’ai été aussi les gars qui entrent avec leurs armes. Ceux qui venaient de s’acheter une kalachnikov au marché noir et avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que vivre à genoux. J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. J’ai aimé aussi leur désespoir. Leur façon de dire – vous ne voulez pas de moi, vous ne voulez pas me voir, vous pensez que je vais vivre ma vie accroupi dans un ghetto en supportant votre hostilité sans venir gêner votre semaine de shopping soldes ou votre partie de golf – je vais faire irruption dans vos putains de réalités que je hais parce que non seulement elles m’excluent mais en plus elles me mettent en taule et condamnent tous les miens au déshonneur d’une précarité de plomb. »

« Je les ai aimés dans leur maladresse – quand je les ai vus armes à la main semer la terreur en hurlant “on a vengé le Prophète” et ne pas trouver le ton juste pour le dire. Du mauvais film d’action, du mauvais gangsta-rap. Jusque dans leur acte héroïque, quelque chose qui ne réussissait pas. »

Inutile de dire aussi que « acte héroïque » m’a semblé bien choquant moi qui ai passé du temps à écrire sur l’héroïsme à travers la Grande Guerre, avec ce cortège d’hommes sacrifiés devenus héros malgré eux.
Certes, la guerre, la violence sont des affaires d’hommes. Mais cela n’empêche pas qu’il y a aussi des femmes capables d’actes terroristes (pardon d’actes héroïques comme dirait Virginie Despentes) ou tout au moins qui les approuvent. Il me semble que si la police a cherché la petite amie de Coulibaly, ce n’est pas pour la consoler…

Virginie Despentes achève donc son article en disant que ces attentats c’est la faute des hommes. L’affreuse masculinité qui violente la douce féminité. C’est une pensée caricaturale (et de la mauvaise caricature à propose de laquelle on peut s’interroger non sur la liberté d’expression mais la nécessité de faire une place d’honneur à de tels propos), une pensée qui prêterait à rire et que je n’aurais pas pris la peine de relever si dans ce contexte, cela devenait franchement « débile » pour reprendre un mot que Virginie Despentes emploie en parlant d’elle mais en se sous-estimant (« je ne suis pas suffisamment débile ») J’imagine que ce n’est pas elle qui a eu l’idée de cet intertitre, extrait cependant de son article : « Puisque les hommes n’enfantent pas, ils tuent » et qu’elle développe par « Les hommes ont le droit de tuer, c’est ce qui définit la masculinité qu’ils nous vendent comme naturelle. » Un intertitre qui ne fait que souligner la bêtise d’une telle réflexion exposée sur Internet.

Sans hommes, les femmes n’enfanteraient pas et faire de tous les hommes des meurtriers en puissance, parce que ce sont des hommes est un raccourci primaire. Il y a des femmes qui tuent aussi, rappelons-le une seconde fois. Et dire que les attentats récents à Paris sont la faute de la seule masculinité c’est aussi dédouaner ces terroristes… Les pauvres, victimes de la société et de leur sexe. Virginie Despentes pointe du doigt ceux qui s’en prennent aux musulmans (certes il ne faut pas faire d’amalgame mais ce serait valable pour toute autre religion) mais elle fait ce qu’elle dénonce en pointant du doigt les hommes en général. J’imagine cependant qu’elle n’est pas mécontente quand un homme fait l’éloge de ses livres et elle n’a pas l’air de se plaindre que le monde littéraire soit essentiellement à domination masculine puisqu’elle y est bien traitée. Elle sort la hache d’une guerre sexiste tout à fait hors de propos. Je m’arrête là : il me semble d’ailleurs si évident que non les hommes n’ont pas le droit de tuer que la fin de son texte ne me paraît pas digne d’être commentée plus longuement.

Avec sa réaction aux attentats, son article, Virginie Despentes ne fait qu’ajouter de la violence à de la violence et pense sans humanité puisqu’elle en rejette « naturellement », la moitié.