Anne Hidalgo a effectué un voyage en Israël à la mi-mai. Elle s’est rendue à l’Université de Tel-Aviv où elle a visité le campus et a rencontré des étudiants à l’invitation des Amis de l’Université de Tel-Aviv. Elle a pris part, à Jérusalem, au 5ème Forum global sur l’antisémitisme organisé par le Ministère israélien des affaires étrangères. La Maire de paris y a pris la parole, après une allocution du Premier ministre israélien Benyamine Netanyahou. Etaient présents également le Président du Crif Roger Cukierman, ainsi que le Maire de Sarcelles François Pupponi, et l’imam de Drancy, Hassen Chalgoumi.
L’Arche : C’est votre première visite en Israël comme Maire de Paris. Vous avez assisté au cinquième « Forum global » sur l’antisémitisme qui s’est tenu à Jérusalem. Qu’est-ce qui vous a frappée dans cette visite ?
Anne Hidalgo : D’abord, c’est une visite que j’ai souhaité faire avec l’ensemble des groupes politiques du Conseil de Paris, majorité et opposition. Nous sommes venus à la fois pour rencontrer les autorités israéliennes – nous avons rencontré le Président Shimon Pérès et à la conférence, nous avons salué le premier Ministre israélien – mais aussi les Maires d’Israël avec lesquels nous avons des partenariats extrêmement féconds. Parce que dans ce monde très troublé, dans ce monde où l’antisémitisme connaît un regain -on le voit en France -, dans ce monde où le conflit israélo-palestinien continue aussi à avoir des conséquences bien au-delà de cette région du monde, il est important de comprendre et il est important aussi d’être nous-mêmes les agents d’un dialogue. Cette visite que j’ai faite avec une délégation, nous l’avons faite bien sûr en Israël, mais nous l’avons faite également en Palestine où je suis allée rencontrer des Maires palestiniens à Jéricho, Ramallah et Bethleem avec lesquels nous travaillons aussi. Donc, c’est une visite qui se fait dans le respect des valeurs qui sont les nôtres, les valeurs de Paris, les valeurs de la République française. Nous essayons à travers les pouvoirs locaux, à travers les villes, d’améliorer la situation, de profiter aussi par exemple de l’innovation et de la grande créativité d’une ville comme Tel-Aviv. Je pense notamment à la question des Start-Up où là, il y a des partenariats féconds qui sont envisagés entre les incubateurs de Paris et les incubateurs de Tel-Aviv. Donc, c’est une visite qui est très importante, y compris pour le Conseil de Paris qui, souvent, a à se prononcer et à agir, et à le faire dans le rassemblement, par exemple quand il y a toute cette montée de l’antisémitisme contre laquelle nous luttons.
Vous participez à ce Forum sur l’antisémitisme. L’antisémitisme aujourd’hui, c’est un problème français ou c’est un problème plus global ?
C’est un problème plus global bien sûr, parce qu’il y a, on le voit en Europe, une instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Il y a des amalgames qui sont faits. Je le dis souvent, les terroristes qui se revendiquent de l’islam radical et intégriste, sont de fait des hommes sans foi ni loi, qui ne peuvent plus parler de quelque religion que ce soit lorsqu’ils agissent comme ils agissent. Cet antisémitisme est réel. Il a vraiment augmenté à Paris, en France. Il a doublé entre 2013 et 2014. Il faut être très clairs et reconnaître les faits, mais il est aussi très fortement en croissance, notamment en Europe. Il a des visages qui sont nouveaux. Il prend un visage qui est celui de l’antisionisme. Il prend les visages qui sont ceux de l’instrumentalisation de ce conflit israélo-palestinien. Donc, il faut le combattre sous toutes les formes. Et le combattre, quand on est maire d’une ville comme Paris, où il y a toutes les religions, toutes les nationalités, toutes les origines, et même les non-religions qui se revendiquent aussi comme ayant leur place dans le débat citoyen et politique, eh bien il faut trouver des solutions. Ces solutions, elles passent -avec l’appui du gouvernement français et du président de la République – par des mesures de sécurité renforcées. Parce qu’il n’y a aucune naïveté par rapport aux attaques et aux risques terroristes, notamment sur la protection de tous les lieux de culte, ou les lieux d’enseignement juif, toutes mesures que le Président de la République a mis en place. Pour la première fois, nous avons des militaires qui protègent tous ces lieux à Paris. Mais il y a aussi toutes les autres mesures sur lesquelles j’agis en tant que Maire. Tout ce qui peut favoriser le dialogue inter religieux et société civile, tout ce qui peut favoriser une éducation dans laquelle la lutte contre la discrimination, contre le racisme et l’antisémitisme est un fondement, un fil conducteur, ce que nous faisons. Nous avons la chance à Paris d’être très mobilisés sur l’éducation nationale, mais aussi dans le cadre des ateliers de rythme éducatif qui dépendent directement de la Mairie. Et donc, des actions d’ordre éducatif et culturel.
Je crois d’ailleurs qu’un voyage comme celui que nous faisons avec l’ensemble de la représentation politique du Conseil de Paris – plusieurs présidents de groupes étaient avec nous -, ce travail-là est aussi un travail qui va nous permettre de parler et de lutter avec plus de force, sans divisions. Souvent, face à ce fléau de l’antisémitisme, certains voudraient instrumentaliser, faire de la surenchère politicienne, et ne pas placer le problème là ou il est. Mais ce que nous voulons, et ce voyage y contribue, c’est lutter contre cette montée de l’antisémitisme.
Paris s’est soulevée le 11 janvier dernier pour dire non au terrorisme et à l’antisémitisme. Comment vous réagissez quand vous voyez quelqu’un comme qu’Emmanuel Todd, mais il n’est pas le seul, tenter de présenter ce mouvement comme une « imposture » ?
Je réagis très mal parce que je n’accepte pas cela. Comment peut-on dire que c’est une « imposture »? Les propos qu’il a tenus sont graves, très graves. Je suis surprise d’ailleurs qu’un intellectuel comme lui en soit là aujourd’hui. C’est vraiment très grave de dire cela. Il a même été jusqu’à faire une comparaison entre Pétain et le premier Ministre Manuel Valls. C’est honteux! Il est même allé critiquer le soi-disant optimisme du premier Ministre. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que pour lutter contre l’antisémitisme, il faudrait que nous soyons tous défaitistes, qu’on considère qu’il n’y a rien faire ? Moi, je suis engagée en politique pour faire bouger les choses. Et heureusement que nous gardons nous, les responsables politiques, une forme d’optimisme parce que sans cette volonté, sans cet optimisme de la volonté, rien ne serait possible, tant la tâche est grande et tant le phénomène que nous connaissons aujourd’hui en France, est aussi un phénomène que l’on observe ailleurs, en Europe et dans le monde. Donc, je n’accepte pas cela. Je soutiens vraiment avec force les propos de Manuel Valls et la tribune qu’il a faite en réponse.