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Cinéma

Fin de partie

Un bijou de comédie noire. Le thème de l’euthanasie et un script brillant, aux rebondissements multiples, offre à cette pléiade d’acteurs sexagénaires et septuagénaires, l’opportunité de nous faire passer du rire aux larmes en une fraction de secondes. Le film, par l’intelligence du scénario, une mise-en scène réussie et les formidables interprétations, transcende toute notion réductrice du genre. Un sujet plus que sérieux que chaque acteur, par le biais de son personnage, a investi de ses propres questionnements.

Une comédie que Shakespeare, habile commentateur de l’aspect tragi-comique, du côté doux-amer de la vie, aurait sans doute pu écrire. Et qui sortira sur nos écrans le 3 juin.

 

L’Arche : Comment et quand êtes vous arrivé du Maroc en Israël ?

Ze’ev Revah : Je suis arrivé à Haïfa à l’âge de neuf ans, en 1949. Mais avant cela, j’avais séjourné un an à Marseille, avec mes parents, car il nous était impossible de monter en Israel pour cause de guerre. Mon père, maître d’école, s’assura que mes études ne furent pas interrompues. J’étudiais l’hébreu et d’autres sujets.

 

Comment et quand est né votre désir d’être acteur ?

Petit déjà, à l’Alliance israélite de Rabat, mon père écrivait et mettait en scène de nombreuses pièces inspirées de la Bible. J’y interprétais des petits rôles. Les gens venaient voir ses pièces sur Samson, le Roi David…

Après avoir fini l’école primaire en Israel, je suis parti à Kfar Hassidim, où l’on enseignait l’agriculture et le Talmud. Il s’y trouvait des professeurs d’Allemagne, très instruits, d’après moi parmi les meilleurs maîtres. Notamment le professeur Nathan Hoffman, qui nous écrivait des rôles pour chaque fête d’Israël. Il m’a beaucoup fait jouer. Après le lycée, j’ai dû partir à l’armée. Il m’a fait jurer, une fois mon service terminé, de me présenter au célèbre théâtre Habima. Un mois avant la fin, je me suis donc rendu à son école pour jeunes acteurs. J’ai réussi mon audition mais, parallèlement, le Dr. Haïm Gamzo ouvrait une nouvelle école d’art dramatique, à Ramat Gan : Beit Tsvi, ou la maison de Tsvi, devenue une très grande école par la suite. J’étais parmi les premiers élèves à l’intégrer, ayant renoncé à Habima au profit de leurs trois années de formation. J’y ai côtoyé deux maîtres extraordinaires. Le théâtre Ohel, littéralement la tente, est venu voir nos représentations. A la fin de mon cursus, ils m’ont  sollicité et j’ai accepté. J’y ai donc commencé à jouer des rôles et à recevoir des compliments de la part des journalistes. Les gens du théâtre Cameri m’ont vu à leur tour et m’ont proposé de rejoindre leur compagnie. J’y suis resté seize ans !

 

Quel était l’esprit du Cameri, comparativement à Habima ?

Les artistes du Cameri venaient, pour la plupart, de Habima. Ce dernier était très influencé par les Russes et les acteurs qui y jouaient. Ils en avaient même conservé l’accent. Quant au Cameri, il a surtout été fondé par des jeunes et revendiquait un théâtre global. C’est ce qui m’a attiré.

 

Enfant, quelles ont été vos premières impressions d’israël ?

J’ai adoré. Je parlais mieux l’hébreu que les petits israéliens. Je sautais même des classes grâce à l’enseignement de mon père, un grand maître qui à écrit beaucoup de livres de grammaire juive, ainsi que sur le Tanakh, la Torah… Il s’appelait Rabbi Yitzhak Reevah, et ma mère, Hanna Benaroush. Elle venait de Salé, à côté de Rabat. Ils se sont rencontré car elle jouait dans les pièces de mon père. Ils se sont aimé, puis marié, et je suis le premier-né.

 

Ont-ils assisté à votre essor, votre carrière ?

Mon père était un homme très religieux qui s’occupait d’une synagogue à Jérusalem. La première fois qu’il m’a vu jouer, c’est David Levy (homme politique Israélien, également originaire de Rabat) qui l’a amené, à mon insu. Nous jouions dans une salle de trois mille personnes, à Jérusalem. Je l’ai aperçu après la représentation et je lui ai dis : « Alors papa, qu’en penses-tu ? » Le public avait adoré cette superbe pièce d’Ephraïm Kishon, un grand écrivain et dramaturge israélien, d’origine hongroise. Mon père était touché. Il m’a juste dit : « bien, bien, bien… Avant d’ajouter, mais si tu étais rabbin, ce serait mieux ». Il aurait voulu que j’étudie à la Yeshiva, mais telle n’était pas mon désir. Les gens de la synagogue lui rapportaient régulièrement des nouvelles de ma carrière. Quant à ma mère, elle a vu chaque pièce, chaque film.

 

Votre carrière est exhaustive, aussi bien au théâtre qu’au cinéma, ou vous avez reçu de nombreuses récompenses.

J’ai fait beaucoup de comédies, de drames, aussi. Notamment un film sur la guerre de Kippour pour lequel j´ai reçu un premier prix de la critique internationale, ainsi que l’équivalent de l’Oscar israélien. J’en ai quatre au total. Aujourd’hui c’est une statue, autrefois il s’agissait d’une grande feuille appelée Amenorah, le grand prix. Elle est signée par Ariel Sharon.

 

Comment s’est réalisée la rencontre avec Sharon et Tal, vos réalisateurs de Fin de Partie ?

Je les connaissais grâce à leur film Mashkanta (qui signifie crédit), qu’on a tourné ensemble. Une satire sur un jeune couple qui n’arrive pas à acheter de maison en Israël. Les dépenses de l’Etat s’orientent beaucoup sur la sauvegarde du pays et la protection de ses habitants, le problème du logement et des salaires en pâtit donc parfois. Mais j’adore mon pays. Petit, je suis arrivé sur un bateau qui s’appelait Artza, notre terre. J’avais des rêves, je pensais que j’allais voir le Roi David, des soldats forts comme Samson. Je n’ai jamais songé à faire une carrière en dehors, en France ou aux Etats-Unis. J’en ai eu l’occasion, mais je suis revenu, car j’adore le public ici. Nous vivons dans un pays très spécial. Imaginez-vous, des habitants originaires de soixante-dix pays différents, chacun riche de cultures millénaires. Il y a des problèmes, c’est vrai. C’est un pays qui a connu la guerre. Personnellement, j’en ai fait trois.  J’étais affecté à l’unité du Nahal où, parallèlement, on travaillait la terre. J’ai également servi en tant que garde-frontiere avec l’Egypte et la Jordanie. Heureusement, je ne me suis pas blessé et j’ai pu revenir au théâtre. J’espère profondément que la paix viendra. Mais regardez la culture, la musique, le théâtre sont formidables ! Le cinéma connaît, lui aussi, un véritable essor.

 

Avez-vous connu, comme vous l’évoquez dans votre film Un Brin de Chance, une discrimination de la part des Ashkénazes, en tant que Sépharade ? 

C’est normal ! Nos mentalités sont complètement différentes. Mais ça m’a forcé d’être meilleur tout le temps, à l’école, à l’armée, au théâtre et au cinéma. Ça a été un moteur.

 

Un dernier mot sur Fin de partie ? 

Quand j’ai lu le script j’ai ressenti un problème car, dans la loi d’Israël et dans la Torah, il est formellement interdit d’aider quelqu’un exprimant le souhait de mourir. Après avoir parlé avec des rabbins, j’ai décidé d’intégrer mes propres questionnements à ceux de mon personnage. Il a donc un cas de conscience et résiste. Tous ces comédiens sont extraordinaires. On se connaît pour avoir souvent joué ensemble. Ils viennent du théâtre et font relativement peu de cinéma. On a beaucoup répété et chacun est intervenu, avec ses idées. Je suis très fier de ce film, qui est émouvant et donne à réfléchir.

 

(*Hamlet)

Premier Paysan : Quel est celui qui bâtit plus solidement que le maçon, le constructeur de navires et le charpentier ?

Deuxième Paysan : Le faiseur de potences; car cette construction-là survit à des milliers d’occupants.

ou :

Hamlet : Combien de temps un homme peut-il être en terre avant de pourrir ?

Premier Paysan : Ma foi, s’il n’est pas pourri avant de mourir, huit ou neuf ans. Un tanneur vous durera neuf ans.

Hamlet : Pourquoi lui plus qu’un autre ?

Premier Paysan : Ah ! Sa peau est tellement tannée par le métier qu’il a fait, qu’elle ne prend pas l’eau avant longtemps.

Fin de partie, un film de Sharon Maymon et Tal Granit. Avec Ze’ev Revach, Levana Finkelstein, Aliza Rosen et Ilan Dar. Sortie le 3 juin 2015

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19547845&cfilm=230618.html