Fin avril, dix-sept jeunes d’Île-de-France ont participé à un pari osé : un voyage en Israël et dans les territoires palestiniens. Une initiative menée par Latifa Ibn Ziaten, la mère d’Imad, première victime de Mohamed Merah.
L’Arche : Comment vous est venue l’idée d’un tel voyage ?
Latifa Ibn Ziaten : Depuis trois ans, je viens témoigner dans les établissements scolaires afin de transmettre un message de paix et de tolérance aux jeunes. Systématiquement, ils me posent la même question : « Pourquoi on ne fait pas de minute de silence pour les Palestiniens ? », « Pourquoi les Palestiniens n’ont-ils pas les mêmes droits que les autres peuples ? », « Pourquoi on les tue ? ». Ces jeunes défendent une cause qu’ils ne connaissent pas du tout. La haine se construit, pourtant. Et, au départ, il n’y aucun savoir, aucune connaissance. L’an dernier, j’ai décidé de me rendre en Israël pour voir comment je pouvais mettre en place ce projet. J’ai présenté l’idée à trois établissements scolaires qui se sont tous montrés partants. Il a ensuite fallu convaincre les parents de laisser leurs enfants partir durant une semaine au Moyen-Orient. Tout ceci a demandé beaucoup de démarches, d’énergie et de temps. Mais au final, on a réussi.
Quel était l’objectif de ce voyage ?
Les jeunes ne croient que ce qu’ils voient dans les médias. Mais la réalité est toute autre : les gens vivent et travaillent ensemble. Bien sûr qu’il y a un conflit dans ce pays mais les gens vivent, prient et ne demandent qu’à partager dans la joie. Les adolescents ont pu voir tout ça de leurs propres yeux. Ils sont rentrés avec une vision complètement différente et à présent, ils témoignent. Désormais, six ambassadeurs vont eux-mêmes dans les établissements scolaires avec l’association Imad pour raconter ce qu’ils ont vu, vécu et ressenti. Et tout ça sort de leur cœur.
Quel moment fort gardez-vous en tête ?
Le shabbat passé chez une famille israélienne qui nous a accueillis. C’était un moment familial, magique, extraordinaire. Nous avons tous ressenti beaucoup d’émotions. Je me souviens aussi de notre rencontre avec des Palestiniens à Ramallah, un échange très fort. Ils parviennent à transmettre leur message de souffrance et leurs revendications tout en prônant le vivre-ensemble et la paix. Jamais durant ce voyage je n’ai vu de la violence, ni chez les Israéliens ni chez les Palestiniens. Les messages des uns et des autres passent avec le cœur. Les jeunes, eux, ont vu des Palestiniens parler hébreu et arabe. Pour eux, c’était très inattendu. Ils ont compris que tout ça n’avait rien à voir avec la religion.
N’avez-vous pas eu peur d’être instrumentalisée par l’un ou l’autre parti durant votre voyage ?
Je ne suis ni à droite, ni à gauche. Je travaille simplement pour mon association en combattant pour une cause. Je suis courageuse et j’avance à ma manière, comme je l’ai toujours fait. Une chose est sûre : quand je décide d’un projet, je fais tout pour qu’il réussisse. Et je ne compte pas m’arrêter là. Je continuerai jusqu’au bout à promouvoir le vivre-ensemble et le respect de l’autre. Ça passe uniquement par la connaissance. Et la tolérance finira par s’installer !