L’Arche : Quelles seront pour vous les conséquences du non grec ?
Alexandre Adler : Les conséquences seront immenses. 61 % des grecs se sont solidarisés avec leur gouvernement. C’est même la seule chose dont ils disposent. Les conséquences sont immenses pour l’Europe et pour la Grèce. Dans un premier temps, nous allons encore gagner quelques heures, quelques jours et quelques semaines à essayer de discuter de ce qu’on appelle le plan B communément c’est à dire une nouvelle proposition au gouvernement grec qui elle même serait plus acceptable pour lui, à cause de quelques mesures apaisantes notamment concernant la dette publique. Ce qui est une pratique bancaire classique mais on sent bien que tout ceci n’est pas à la mesure de ce qui est en train de se passer. Il ne s’agit pas de trouver des compromis, même si un nombre de braves gens vont tenter de le faire. Il s’agit de se préparer au départ de la Grèce.
Est ce la première crise européenne majeure ?
Je pense que oui car même quand le général De Gaulle avait mené la politique de la chaise vide et refusait de siéger à Bruxelles par opposition à ses collègues, les choses n’avaient pas pris une proportion aussi grave. D’abord l’Union Européenne n’existait pas, c’était simplement une commission économique et d’autre part la volonté française de ne pas pousser jusqu’au bout la logique de la rupture était évidente parce qu’il y avait ce traité franco-allemand qui rassemblait de toute façon les Français et les Allemands. Enfin la convergence des économies était tout à fait évidente, c’était le grand argument de l’Europe. Rien donc de comparable à ce que nous vivons aujourd’hui.
Voyez vous une différence d’approche entre François Hollande et Angela Merkel quant à la crise grecque ?
Bien évidemment. François Hollande est déjà en campagne électorale avec une stratégie très simple : se retrouver au second tour face à Marine Le Pen et bénéficier des voix centristes tout en faisant le rassemblement à gauche au nom de l’antifascisme. Cette stratégie semble parfaitement simple et logique même si on peut la contester sur un plan moral. En tout cas, elle était totalement cohérente sauf que François Hollande ne va plus pouvoir multiplier les dépenses inconsidérées qu’il comptait faire jusqu’en 2017. Il va devoir maintenant se concerter avec Angela Merkel sur une ligne économique commune pour éviter la contagion à l’avenir et préparer la suite.
Vous semblait il opportun de recourir à un référendum – forme essentiellement démocratique et nationale – pour tenter de répondre à un défi technocratique et européen ?
Il n’y a pas de défi technocratique et européen. C’est une question de survie de la Grèce telle qu’elle est. Il n’y a pas de problème plus sérieux. Prendre les solutions techniques qui ont été envisagées pour un débat technocratique serait une erreur très grave à mes yeux. En revanche, je pense que cette démarche du référendum condamne dans le monde dans lequel nous sommes la démarche référendaire dans son ensemble. Je la considère comme anti- démocratique. C’est la raison pour laquelle, par peur de l’héritage hitlérien, l’Allemagne l’a exclu totalement de sa loi fondamentale de 1949. On peut s’en féliciter. Et je souhaite pour ma part que les pays démocratiques véritables s’en tiennent désormais à des procédures parlementaires et ne donnent pas davantage la parole au peuple, ce n’est absolument pas ça la démocratie.