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Antisémitisme

Le boycott, arme de persuasion massive!

En Belgique, le boycott d’Israël revêt une allure obsessionnelle. Il est le point de ralliement de la plupart des organisations liées à la défense des droits de l’homme. Droits de l’homme …non israélien s’entend. Syndicats, organisations caritatives catholiques ou protestantes, ONG et, bien entendu, les nombreuses associations pro-palestiniennes. Ainsi l’Association belgo-palestinienne (ABP) présente dans de nombreuses villes du Royaume : Plate-forme Charleroi-Palestine, Comité Verviers-Palestine… Parfois, on en trouve deux dans la même ville comme à Namur, capitale de la Wallonie : Esperanza Palestina Namur ou Coordination namuroise belgo-palestinienne ! On en rencontre aussi dans les villages comme Viroinval dont le député-maire a distingué le Docteur Izzeldine Abuelaish du titre de Citoyen d’honneur de la ville, attirant ainsi habilement les caméras. Pour-la-Palestine ou Génération Palestine ou encore Palestina Solidariteit ou bien Communauté Palestinienne en Belgique et au Luxembourg, et, pour les amateurs de randonnée en vélo, ViaVelo Palestina ou encore Artistes contre le Mur, Caravane IETM en Palestine, Aksahum … Autant de noms pour désigner la même chose, le soutien inconditionnel à la cause palestinienne et, de plus en plus fréquemment maintenant, au boycott de « l’entité sioniste. » Telle la benjamine « Made in illegality », autre nom de BDS, initiales du mouvement Boycott – Désinvestissement- Sanctions pour le boycott économique d’Israël. Autant d’asbl qui fournissent des postes à des personnes motivées, contre Israël s’entend, et donnent lieu peut-être aussi à des subsides.

L’ABP (association belgo-palestinienne) présidée par Pierre Galand depuis 1986 et qu’il a contribué à fonder 10 ans plus tôt, trouve un soutien de taille avec le CNCD – Centre national de coopération au développement longtemps animé aussi par Pierre Galand, aujourd’hui sénateur socialiste honoraire, un de ses nombreux titres. Le CNCD-11.11.11 a pour tâche de mobiliser des fonds auprès de la population belge pour financer des projets de développement dans le tiers-monde. Cette année, la collecte nationale qui a pour nom l’opération 11.11.11, s’élève à 1.500.000€ mais le budget annuel frise les 4.000.000€. Galand fut aussi Secrétaire Général de Oxfam-Belgique qui conquit ses lettres de noblesse boycotteuse avec la choquante campagne publicitaire illustrée par des oranges, israéliennes, d’où jaillissait le sang, palestinien – ce qui provoqua une réprobation générale y compris dans les rangs de Oxfam International.

Oxfam-Belgique bénéficia aussi d’une partie de la manne des collectes en faveur des populations sinistrées par le Tsunami. On n’est pas sûr que l’argent n’ait pas financé des actions pro-palestiniennes.

Galand est aussi, depuis 2002, Président du Comité européen de coordination des ONG sur la Palestine (CECP) ainsi que du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, organisateur de conférences internationales pro-palestiniennes en 2003, 2005 et 2007 au siège de l’ONU. C’est lors de la « Conférence Internationale à l’appui du peuple palestinien » de 2003, à New York, que Pierre Galand alors Sénateur coopté au Parlement belge, évoqua le boycott des fruits d’Israël et fit le rapprochement avec la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud pour légitimer l’adoption de sanctions. C’est aussi Pierre Galand qui, à la tête de la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), rassembla, au début des années 1980, 300.000 manifestants dans les rues de Bruxelles contre l’installation de missiles nucléaires en Belgique. Seule « La Marche Blanche », manifestation de soutien aux parents des enfants, victimes du pédophile Dutroux, et de dénonciation des dysfonctionnements du système judiciaire belge, réunira plus de monde, en 1996.

Soucieux de gagner à sa cause les laïcs et les francs-maçons, un enjeu de taille dans le Royaume, il se fit élire à la présidence du Centre d’Action Laique (CAL). Aussitôt en fonction il organise, en mars 2007, au grand dam d’une partie de ses administrateurs, garants de la ligne apolitique du CAL, une conférence de Stéphane Hessel autour de son livre « Indignez-vous ! » tiré à plus de 3 millions d’exemplaires et dont les bénéfices reviennent au Tribunal Russell pour la Palestine, une autre création de l’activiste.

Très impliqué dans le mouvement alter-mondialiste, Galand participe à des Forums Sociaux Mondiaux où il ne manque pas de rappeler aux participants la question palestinienne, son principal combat, même si c’est hors sujet. Les communistes dis(ai)ent : « Tout est politique » Galand pense et dit chaque fois qu’il le peut : « Tout est Palestine » Ce fut notamment le cas, en 2008, lors d’un « Colloque des Iraniens Laiques et Démocratiques » où fut projeté un film dédié aux prisonniers assassinés, ces morts sans sépulture dont les familles cherchaient les restes dans les fosses communes. Galand, devant un public médusé, insista lourdement sur les terribles souffrances du peuple palestinien. Comme si celles des Iraniens étaient imaginaires !

 

Une stratégie bien rodée

Invité à Montpellier, en 2009, lors des « 8 heures pour la Palestine », en tant que Président du Comité Européen de coordination des ONG sur la Palestine (ECCP), basé à Bruxelles, il tonnera contre l’activité de l’aéroport de Liège-Bierset qui tourne, en février et mars, exclusivement avec les produits de la marque israélienne Agrexco(Carmel) et mettra virulemment en garde contre la venue, annoncée, de la firme agro-alimentaire au port de Sète.
L’année suivante, environ vingt militants vont organiser une action de blocage des camions Agrexco en s’enchaînant aux grilles de la firme à l’aéroport de Liège sous le slogan « STOP AU BUSINESS DE L’OCCUPATION DE LA PALESTINE. »
En 2011, de nombreuses associations appellent à manifester à l’aéroport de Liège pour soutenir le boycott des produits israéliens importés par Agrexco.
Quelques mois plus tard, un tribunal de Tel Aviv prononcera la liquidation d’Agrexco, mettant un terme à 37 années d’activités dans l’hexagone, pour le grand bonheur de la Confédération paysanne de France et au grand dam de la Ville de Sète qui avait conçu de nouvelles installations pour accueillir ce géant de l’agroalimentaire.

Galand prend bien soin de préciser que le boycott est une demande de la société civile palestinienne et qu’il ne fait que relayer cette demande. Il s’efface galamment, honneur à son nom, devant Omar Barghouti, chorégraphe de son état. Celui-ci anime d’abord El Furoun, une compagnie de ballet contemporain s’inspirant de danses traditionnelles palestiniennes. Invité aux Pays-Bas, Barghouti refuse de s’y rendre parce que ni la direction du festival ni les troupes israéliennes invitées ne se sont exprimées publiquement contre l’occupation. Il déclare aussi s’opposer à la « normalisation », à savoir toute initiative qui réunit Palestiniens et Israéliens, ce qui donnerait l’impression que les rapports d’oppresseur et d’ opprimé ont soudain disparu et que tout est donc « normal. » – une position par ailleurs catastrophique pour les pacifistes. Suite à un différend avec les danseurs de la troupe, Barghouti la quittera et s’investira en politique en fondant BDS en 2005.
Grâce à Internet, le mouvement BDS a atteint, en 10 ans, une diffusion considérable malgré ses positions extrémistes de rejet des Israéliens sauf quelques exceptions. BDS est un mouvement radical qui, en exigeant le retour des réfugiés y compris de la 3è ou 4 è génération, vise la constitution d’un Etat binational et donc la destruction de l’Etat d’Israël. Pourtant, Arafat que Galand nomme « le Ché Guevarra du monde arabe » avait consenti à limiter cette revendication.

Aujourd’hui, Barghouti se présente comme expert en communication. Dix ans plus tard, à juger les résultats de BDS, il faut admettre qu’il n’a pas trop mal réussi. Même si le boycott des activités culturelles rencontre de nettes oppositions. En particulier, dans le domaine de la danse. Fin 2014, les signataires pour BDS France d’une lettre ouverte enjoignent aux chorégraphes français Ménard, Charmas et Chamblas, de ne pas se produire au Chili – où ils auront affaire à BDS Chili – par solidarité contre la Batsheva Dance Company qui y était aussi invitée. Ils n’hésitent pas à s’en prendre au génial Ohad Norin, directeur artistique de la troupe qui prend ses quartiers au Centre Suzanne Dellal, le citant : « la danse est une forme d’illusion, un moment unique qui permet d’échapper à la réalité ». Ils ajoutent. « Peut-être ce manque de cohérence n’est-il pas un accident. Pour se rendre véritablement compte du monde dans lequel vit Ohad Naharin, il est conseillé de prendre refuge dans des illusions. » Comme si l’art ne pouvait plus sublimer la réalité, sa fonction première.

Invitée également à se produire à Lyon en janvier 2015, Batsheva fut encore l’objet de protestations de la part des boycotteurs. De même au Corum de Montpellier, voici quelques jours. « Ils ont dansé pour l’apartheid et sont complices du blanchiment de l’Etat criminel israélien », se plaindront les boycotteurs, marris d’avoir raté leur but. De manière générale, les chorégraphes belges tels Anne Teresa de Keersmaeker et Alain Platel sont pour le boycott et refusent de se rendre en Israël.

Fin juin, Gilberto Gil et Gaetano Veloso se produisaient en Belgique, ils ont, eux aussi subi des pressions pour ne pas se rendre cet été en Israël. Un grand panneau « Boycott Israël » placé devant l’entrée de Forest-National, une grande scène bruxelloise, était visible du public. Ces artistes, néanmoins, ne se laisseront pas intimider et se rendront en Israël, au service de la paix.

La liste des interventions est longue. Partout où sont annoncés des artistes israéliens, des pressions sont exercées sur les organisateurs ou sur les autres artistes pour les décommander. Ecoutons Benoît Piedboeuf, le député-maire de Tintigny qui, l’été dernier, lors du Festival de Jazz en Gaume, pendant la guerre de Gaza ou Bordure protectrice, répond aux boycotteurs : « Cette année, triste hasard du calendrier mondial, on nous fait un mauvais procès parce que certains musiciens n’auraient pas une nationalité appropriée, parce qu’une ambassade, comme tant d’autres par le passé a accepté – il y a plusieurs mois – de nous aider, à notre demande, dans l’accompagnement de musiciens de chez eux en visite chez nous. Plus de trente nationalités… et une de plus qui serait une de trop…On se trompe de combat. Nous ne sommes les militants d’aucune cause, dans nos activités nous ne soutenons aucun parti, aucun parti pris, aucun clan, aucun camp, nous sommes simplement des amoureux. Des amoureux de la liberté, de la liberté d’expression, des amoureux de la musique, des amoureux des esprits qui s’accordent, des improvisations qui fusionnent, des accords majeurs qui naissent de la magie de l’instant. »

Jusqu’à quand pourra-t-on tenir cette position apolitique ? L’araignée tisse sa toile boycotteuse et emprisonne, empoisonne même, tout ce qui vient d’Israël. Boycott économique et boycott culturel (BACBI) font l’objet d’un intense lobbying. (Lire Une forme particulièrement indigne du boycott de Maurice Einhorn) Ainsi, à la Foire du Livre, depuis plusieurs années, le stand israélien est assailli par les boycotteurs. Au garde à vous, jambes écartées et mains derrière le dos, torses bombés, revêtus d’un T-shirt aux couleurs de la Palestine arborant l’inscription « Boycott Israël », ils cernent le stand, formant une barrière entre le public et l’éventaire qui présente, ironie du sort, les livres de Amos Oz et David Grossman… Cette année, Israël était absent à la Foire du Livre. « Les Protocoles du Boycott « sont distribués partout où des Israéliens sont annoncés. Des événements pro-palestiniens ont lieu toute l’année notamment « Journée de la Terre » en mars, « Journée des droits inaliénables du peuple palestinien » en novembre, « Semaine pour la Palestine » en avril, en présence des ambassadeurs arabes et de quelques personnalités politiques mais aussi actions ponctuelles contre le Mur, contre le blocus de Gaza, pour le boycott etc. Sans oublier l’activité militante de BDS sur les campus universitaires ou lors de grands évènements nationaux.

Bien entendu, la remplaçante de Catherine Ashton, Frédérica Mogherini, Haut- Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a déjà reçu Pierre Galand. Elle annonce d’ores et déjà que l’étiquetage des produits en provenance des colonies sera exigé. L’UE vient d’allouer 212 millions d’euros pour la fourniture de soins de santé, de services d’éducation et d’autres services sociaux essentiels à la population palestinienne. De combien bénéficiera BDS ?

Israël serait bien inspiré de prendre en compte la dynamique boycotteuse. Et ce ne sont pas des caricatures, parfois incompréhensibles pour un public non israélien, qui vont arrêter le bulldozer de la haine. Dans une conférence diffusée par Akadem (1) Elhanan Yakira, spécialiste de philosophie des sciences et ex-directeur du département de philosophie à l’Université hébraïque de Jérusalem – il s’est illustré dans le combat d’idées contre les historiens postsionistes notamment à propos de l’instrumentalisation de la Shoah par Israël qu’il conteste : « L’attitude vis-à-vis d’Israël est le plus souvent dictée par des intérêts d’Etat, nullement par des considérations liées à la Shoah. » (2) – évoque la « délégitimation d’Israël » qui nécessite une réponse appropriée et jusqu’ici, elle ne vient pas.

 

(1)http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/antisemitisme/antisionisme/reflexions-sur-le-boycott-d-israel-03-06-2010-8166_136.php (2) http://www.laviedesidees.fr/La-gauche-aux-prises-avec-le.html