C’est à Asif Kapadia que nous devons le plus bel hommage public à Amy Winehouse, la petite juive du nord de Londres à l’immense talent, qui craignait de devenir folle si elle devait un jour devenir célèbre…
Une exposition lui a été consacrée à l’été 2013 par le Jewish Museum de la capitale anglaise, située dans le quartier de Camden là où l’étoile vécut jusqu’à sa fin tragique, puis à l’université de Tel Aviv. Un livre a été publié par son père la même année. Ce documentaire poignant, présenté à Cannes est sorti ce mois de juillet en salles. Celui-ci nous emmène en backstage, afin de comprendre comment cette vraie chanteuse de jazz, géniale passionnée de soul à la musicalité incontestable et incontestée, a pu chavirer à ce point dans l’autodestruction.
Mettre en lumière une fragilité émouvante et rendre une justice certaine à celle que nous avons finalement tous vu sombrer au gré des commentaires acides et cyniques des tabloïds quand la curée médiatique fût sonnée : sûrement deux objectifs comptant parmi les intentions du réalisateur. Ce dernier, avec tendresse et au moyen d’images et d’archives personnelles inédites de l’artiste, nous raconte le parcours de la belle, de sa famille mélomane originaire de Biélorussie, “pas particulièrement religieuse, mais aux très fortes attaches avec la culture juive”.
« Etre juive, pour moi, cela signifie être ensemble, comme une vraie famille », avait dit un jour Amy Winehouse, qui arborait souvent et fièrement sur scène une volumineuse étoile de David. Paradoxalement, parmi les scarifications et tatouages impertinents, c’est bien sa grand-mère, chérie, qui restera gravée en elle-même au sens propre, sur son épaule, parmi ses muses Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, ou encore Dinah Washington.
Entre autres réactions que le documentaire a déjà suscité : il semble que son père se soit désolidarisé du film. Et pour cause, le réalisateur est moins tendre avec Mitch Winehouse, comme avec d’autres personnages masculins de la vie d’Amy d’ailleurs, et lui donne une rôle bien différent de celui décrit dans son propre récit… Si sur l’autel de la gloire, l’alcool et les addictions ravageuses ont sans conteste accéléré évidemment la chute de la chanteuse, il se pourraient bien aussi que d’autres démons dépressifs et incompris aient été troubles et durs avec elle. Au point de lui faire passer l’étape chimique de trop, celle dont beaucoup ne reviennent jamais. La légende voudra donc qu’elle appartienne à l’illustre et mystérieux club des figures du rock et du blues disparues à 27 ans, au même titre que Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Robert Johnson, Jim Morrison et Kurt Cobain. Son second et ultime album “Back to Black” s’est à ce jour vendu à plus de onze millions d’exemplaires.
Aline Le Bail-Kremer
« Amy », d’Asif Kapadia, actuellement dans les salles. Avec : Amy Winehouse, Mark Ronson, Tony Bennett, etc.