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France

Alain Bauer: nous sommes dans une « ubérisation de la terreur »

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers et aux universités de New-York et Pékin. Egalement Président du Conseil National des Activités privées de sécurité, il est aussi l’auteur de très nombreux ouvrages portant sur la criminalité en général et le terrorisme en particulier (l’intégralité de sa bibliographie est référencée ici http://www.alainbauer.com/a-propos/). Il nous livre son éclairage sur les derniers évènements de l’actualité, du vote de la loi sur le renseignement aux derniers attentats ou tentatives avortées.

L’Arche : Alain Bauer, commençons par évoquer ce projet d’action terroriste évité contre des installations militaires françaises. Est-on dans la même dynamique que ce que l’on a vu depuis le début de l’année, avec Charlie Hebdo, ou y a-t-il quelque chose de nouveau, de différent ?

Alain Bauer : Pas vraiment. Les actions terroristes ciblent en général le grand public pour un retentissement maximal. Mohammed Merah avait essentiellement ciblé des militaires, et on voit désormais des terrorismes au pluriel qui alternent des actions « lumpen » et des opérations de plus grandes envergure en fonction des moyens du bord.

Que penser de la cible choisie ? Pourquoi s’attaquer à des militaires ?

Parce qu’il y a la connaissance du terrain par un ancien militaire, et parce que le reproche fait à la France est d’intervenir dans un conflit entre musulmans sur la terre de l’islam.

Au sujet de l’attentat en Isère, vous avez parlé de terrorisme « low-cost ». Qu’entendez-vous par là ?

Je parle plutôt de lumpen terrorisme ou d’uberisation de la terreur. Il s’agit d’operations totalement décentralisées décidées par des opérateurs autonomes en fonction de leurs moyens.

Parmi ces tous derniers attentats, aucun ne visait des juifs. Est-ce que cela peut signifier un changement de stratégie ou est-ce une simple « pause » ?

Un « heureux hasard » je le crains.

500 Français sont actuellement présents en Syrie et en Irak, selon le ministre Bernard Cazeneuve. 2.500 signalements de radicalisation ont été portés à la connaissance de la police depuis la création du numéro vert.  Ces chiffres vous surprennent-ils ?

Non. Eu égard aux enjeux et aux populations intéressées par le conflit Syrien et à l’histoire coloniale de la France, ces chiffres sont plutôt « raisonnables ». Ils sont plus inquiétants en Europe du Nord.

Le rapport de Malek Boutih dit qu’il faut craindre un phénomène de masse… qu’en pensez-vous ?

Il a sans doute raison pour ce qui est de la radicalisation. Pour le passage au terrorisme, ce processus est bien plus complexe.

Quel est le profil type de la personne qui va être approchée, recrutée ?

Des jeunes gens en recherche d’identité, déchirés entre plusieurs cultures, a la recherche d’une cause ou d’une mission.

On a l’impression que les réseaux sociaux jouent un rôle absolument capital dans le recrutement. Comment mieux s’armer face à ce phénomène ?

En intégrant leur existence et leur pouvoir, en parlant le langage du 2.0, et en s’adaptant a la réalité plutôt qu’en espérant l’inverse.

Quel est votre point de vue sur la loi française sur le renseignement votée en mai dernier ? Répond-elle aux problèmes posés à votre avis ?

Tout texte qui permet de sortir de la clandestinité dans une démocratie est un progrès. Depuis que Michel Rocard en 1990, puis Nicolas Sarkozy en 2008 ont amorcé le processus de « démocratisation » du renseignement, il était souhaitable de progresser. Bien sûr on peut toujours faire mieux, notamment pour le contrôle judiciaire de la partie judiciaire du renseignement. J’aurais souhaité ce plus.

Que répondre à ceux qui craignent une loi trop intrusive et qui évoquent un Patriot Act à la Française ?

Préféraient-ils la situation avant la loi ?

Quels sont à votre avis les points sur lesquels la loi française est encore trop faible ?

Elle répond a l’essentiel des critiques des hautes juridictions. Il faut la laisser maturer puis revenir dessus dans quelques années.