Des fleuves d’encre et d’images coulent depuis « l’horreur ».
En allant regarder ce film, on était presque certaine d’assister à l’énième leçon de morale, à la profusion d’images d’humiliation, de misère et de dégradation humaine.On n’a pas été déçue, il y avait de tout cela, mais…
Cela reste un exercice complexe d’arriver à mettre en scène autant de thèmes qui touchent si profondément au droit à la dignité et à la reconnaissance de chaque être humain.
Dans ce film, on retrouve le drame de l’holocauste au travers du voile sublime de l’art, des arts… puisque tant la peinture que la musique en sont les protagonistes, Klimt et Schoemberg, icônes incontestés de la culture européenne.
Ce voile rend l’horreur encore plus horrible, car ce que l’on ne voit pas et que l’on laisse à l’imaginaire est parfois beaucoup plus efficace et troublant que ce qui est montré.
Derrière la demande de justice de Maria Altmann, à qui Helen Mirren prête magistralement ses traits, tout un ensemble d’autres problématiques se déploient : l’holocauste, le rôle de l’art et des artistes entre les deux guerres, le sentiment, fort, d’appartenance à son propre pays de la part de ceux qui ont eu la chance d’échapper à l’enfer et ont été obligés de se reconstruire ailleurs, le rôle des nations qui ont accueilli ces hommes et ces femmes.
L’histoire de « La femme au tableau », c’est une histoire vraie qui, transposée sur le grand écran, subit inévitablement des adaptations, c’est normal. Mais cette fois-ci, nous avons été mis à l’abri des faux historiques et des inventions extravagantes qui, parfois, n’ont rien à voir avec la vraie histoire, sujet du film (il y a une longue liste de films soi-disant historiques qui diffusent la non-culture dans le public).
Vienne, toujours magnifique dans sa rigueur, de très beaux costumes, la nostalgie, les liens familiaux, les dialogues équilibrés, font de ce film un événement à ne pas manquer, on ne vous en dira pas plus.
Le Reich n’a pas été « raciste » : il est allé beaucoup plus loin…
Dans le « racisme » il y a une sorte de « reconnaissance » de l’existence d’un peuple que l’on considère, pour des raisons diverses et variées, inférieur, de deuxième ordre. Dans la dynamique du IIIe Reich il y a la « négation » absolue de la « reconnaissance », au point d’arriver à enlever à des millions de personnes leur « dignité » et leur « humanité ». D’abord l’humiliation, après l’expropriation, la déportation et solution ultime : l’anéantissement.
La femme au tableau de Simon Curtis, avec Helen Mirren et Ryan Reynolds.
Anna Daniela Sestito est chef de chœur et d’orchestre, cantatrice et professeur de chant.