Victor Haïm termine l’écriture de « L’affaire Espéranza », aventure d’une diva de l’opéra poursuivie pour offense au chef de l’Etat, et qui protège son mafieux de mari. Pour lui « une pièce de théâtre, comme les enfants des femmes, est conçue avec volupté, menée à terme avec fatigue, enfantée avec douleur ». Ces paroles montrent la modestie indestructible de l’auteur de théâtre traduit en treize langues et joué dans vingt-cinq pays, récompensé à plusieurs reprises, Grand prix du théâtre de l’Académie française, et toujours d’une exemplaire et souriante politesse.
De famille traditionaliste, le jeune homme né à Asnières suit les cours d’hébreu et fait sa bar-mitsva, fêtant dans l’euphorie avec ses parents la création de l’Etat d’Israël en 1948. Apprenti comédien, il se découvre auteur de théâtre, grâce à son professeur du Conservatoire, Pierre Valde, et écrit « Mourir en chantant » durant les longs mois du service militaire en Algérie. Les pièces se suivent, représentées aussi bien à l’Athénée, au théâtre de l’Œuvre, au Vieux Colombier, à l’Essaïon, que dans les petites salles moins connues.
« Ma deuxième passion est la musique, indispensable à ma vie, je suis un musicien rentré ». La musique occupe une place importante dans les pièces de l’auteur, rappelons « Fureur », magnifiquement jouée à l’Essaïon. Après Avignon, où étaient sur scène cette année « La Valse du hasard » et « Violena et les vampires subventionnés », c’est « Le mental de la reine » avec son univers étrange et ironique, comédie sur le pouvoir, cocasse, percutante, qui sera sur scène à Paris. Victor Haïm : « C’est une fable, le sujet est le pouvoir, qui rend puissant et qui isole ». C’est la reine Aurore, toujours heureuse et béate, bichonnée par Emilienne, sa nourrice centenaire, et flattée à outrance par son scélérat de premier ministre, Edouard-Adolphe. Aurore vit dans un univers calfeutré où ni les cauchemars effrayants ni les pierres envoyées contre les fenêtres de son palais par le peuple ne diminuent l’optimisme affiché d’Edouard-Adolphe, bien décidé à diriger le pays à sa guise et ne reculant devant aucune vilenie.
La reine, d’abord très naïve, se souvient des paroles de son père : « Entoure-toi toujours de collaborateurs qui ont le mental », (Emilienne croyait que c’était un fromage) et fait aveuglément confiance au mental d’acier du premier ministre. Mais elle se transforme et sous l’influence de l’alcool : « C’est pas parce que je suis pétée, que, hein… vous voyez ce que je veux dire » ; elle destitue le premier ministre et Edouard-Adolphe, privé de pouvoir, n’est plus qu’un misérable aveugle errant. Aurore le traite comme un chien et dans une crise de fou-rire avec Emilienne lui envoie : « Allez, un homme qui a eu tant de pouvoir doit avoir les reins solides même s’il en a plein le dos ».
Les dialogues hilarants et ciblés donnent une image invraisemblable du pouvoir, ça percute et cet univers poétique et drôle est plus efficace qu’un discours sur le pouvoir et la corruption.
Théâtre du Temps, 9, rue du Morvan, 75011 Paris. Tél.: 01 43 55 10 88.
Du 21 novembre au 20 décembre. Publiée à la Librairie Théâtrale, L’Œil du Prince.