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Israël

Eytan Fox : « Les gays font partie du drapeau »

Le réalisateur israélien, connu pour ses films Yossi et Jagger, The Bubble, Tu marcheras sur l’eau et Cupcakes, fut le premier à représenter l’homosexualité loin des clichés et préjugés habituels. Il nous parle de l’évolution de la perception de l’homosexualité en Israël des années 90 à aujourd’hui.

 

 

L’Arche : En 1998, lorsque Dana International participa à l’Eurovision, des humoristes se moquaient d’elle sur la radio Galei Tsahal. Mais plus sa victoire semblait possible, plus un sentiment de fierté nationale s’emparait des humoristes. Comment percevez-vous l’évolution de la perception de l’homosexualité en Israël ?

Eytan Fox : L’Israel dans lequel j’ai grandi de la fin des années 70 et du début des années 80, lorsque j’ai fait mon service militaire, était un lieu très différent concernant l’acceptation de l’homosexualité, de la culture gay. Cela n’existait quasiment pas en public. Si vous étiez un jeune étudiant ou soldat, vous aviez le sentiment d’être le seul gay au monde. Cela ne faisait pas partie du vocabulaire, de l’existence.

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Comme on le voit dans votre court-métrage.

Il vient d’ailleurs de sortir en DVD en France. Il contient deux films dont Time Off. Cela vous permettra de voir à quel point on a fait de grands progrès dans l’acceptation de l’homosexualité. Ces films font intervenir des personnages gays qui prennent conscience que le bonheur, la vie familiale, leur seront inaccessibles. C’est ainsi que je percevais le monde en 1997. Aujourd’hui, en vous promenant à Rothschild boulevard à Tel Aviv, vous voyez de nombreux couples gays avec des poussettes.

 

Comment expliquez-vous ce progrès fulgurant ?

Après mes court-métrages, j’ai réalisé la série Florentine, laquelle, en comparaison de mes autres films, a probablement eu le plus grand impact sur le public israélien. Ce fut la première fois que l’on voyait à la télévision un personnage gay, ayant une vie amoureuse. Dans le générique de Time Off on voit un drapeau. Et je réalise aujourd’hui qu’inconsciemment je voulais dire que moi et les autres gays faisions partie de ce drapeau. Que nous n’étions pas des marginaux dingues et cloitrés. Nous faisons partie de cette société.

3 Eytan Fox Walk

 

Les gens prennent conscience que l’homosexualité dépasse les frontières politiques et religieuses.

Avec les terribles événements qui se sont déroulés lors de la dernière Gay pride à Jérusalem, de nombreuses personnes se sont mises en avant. Le Likoud a au sein de son parti une mouvance ouvertement gay, comme c’est le cas dans quasiment chaque parti.

 

Le meurtre survenu à la Gay pride, vous fait-il craindre plus de violences ou est-ce un cas isolé ?

Lors des dernières élections, le parti de Naftali Bennett a produit une video où ils exprimaient clairement leurs oppositions aux droits égaux pour es gays, au mariage, à la parentalité. Leur député Bezalel Smotrich a surnommé la marche des fiertés « la marche bestiale ». Il ne s’agit donc pas d’un cas isolé d’un ultra orthodoxe fou. Certains rabbins, députés et autres personnalités publiques tiennent un discours homophobe. Il y a de nombreux groupes religieux qui soutiennent les gays, mais il y a aussi malheureusement quelques fanatiques. Lorsque la religion est vécue de manière extrême, ce genre d’acte est réalisable, que ce soit dans le judaïsme ou dans les autres religions. Cette journée fut horrible. Imaginer qu’en plein Jérusalem, un homme puisse assassiner une jeune femme de 16 ans, qui n’est pas gay, mais était venue soutenir une amie qui l’est. D’entendre ce meurtrier dire qu’il « accomplissait la volonté de Dieu » m’a choqué. Je viens d’une famille religieuse, avec un père rabbin. J’adore le judaïsme et cette interprétation de la religion est terrifiante. Ces dernières années, on nous sermonne, « vous avez vos droits, on vous voit partout, même à la télé, pourquoi avez-vous encore besoin de faire ces marches en public ? Vous avez déjà assez comme ça. Il est temps d’être plus discret. » Mais cet assassinat démontre bien que la haine n’a pas totalement disparue, que pas tout le monde perçoit es homosexuels comme des citoyens égaux. En plus ce jour-là avec l’horrible mort de ce bébé palestinien, ce fut une journée noire pour nous. On était tous sonnés. Le progrès général de l’acceptation d’autrui est indéniable mais le combat n’est pas terminé.

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La réaction du Président Rivlin a été particulièrement forte.

C’est un grand président, qui essaye de son mieux de rassembler toutes les composantes d’Israël. De leur permettre de se comprendre et d’apprendre à vivre ensemble. Comme Rabin avant lui, il a compris qu’il fallait dépasser certaines divisions idéologiques et apprendre à connaitre et parler avec autrui pour régler les problèmes.