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Musique

Horse Raddish apporte tout son piquant à la 14éme édition du Festival Jazz’N’Klezmer de Paris

Jusqu’au 1er décembre, avec sa programmation aussi éclectique qu’exploratrice, le Festival Jazz’N’Klezmer de Paris nous entraine dans un joyeux métissage où toute la liberté du jazz se mêle à la mélancolie des rythmes d’Europe de l’Est. Parmi les très nombreux artistes programmés, le groupe français Horse Raddish qui se produit mardi prochain, le 17 novembre, au New Morning, partageant l’affiche avec la fameuse violoncelliste Sonia Wieder-Atherton.

« Horse Raddish se compose de six musiciens : clarinette basse, saxo soprano, accordéoniste, bassiste électrique, guitariste électrique, batteur et moi qui suis clarinettiste », raconte Michel Schick, l’âme de Horse Raddish. Pour ceux qui d’aventure pourraient encore l’ignorer, le Horse Raddish c’est bien entendu le raifort qui relève le gout de la cuisine juive d’Europe de l’Est. Pour la petite histoire, le papa de Michel possédait une sorte de delicatessen à Paris des années 60 jusqu’à la fin des années 80. « La boutique à sandwichs », rue du Colisée; la spécialité de la maison, c’était le picklefleish et à coté, traditionnellement, il y avait toujours le petit pot de raifort.
« Voilà il y avait cette filiation-là, en jouant aussi sur le coté piquant, car notre musique se veut quelque peu imprudente », poursuit le clarinettiste. À l’écoute de leur premier album « Electric Kletzmer », on se dit, en effet, qu’il porte bien son titre avec son côté iconoclaste, un pied dans la tradition et l’autre dans le délire. Mi-figue, mi-raisin entre rires et larmes, cette musique peut difficilement laisser quiconque indifférent, si évocatrice d’une culture qui a connu tant et tant de tragédies pour se relever à chaque fois.
« Cette réunion de musiciens s’est faite sur les bases de l’envie et du plaisir et puis des compétences de chacun. Horse Raddish est avant tout un collectif où chaque musicien a pu apporter son univers propre », souligne Michel.

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Notre clarinettiste agrandi à Paris dans une famille pas du tout religieuse et surtout marquée par la Deuxième Guerre mondiale. Ses deux parents étaient des enfants cachés. Après avoir survécu à la guerre, ils n’étaient pas du tout dans l’ostentation de la religion. « Au contraire, c’était même plutôt quelque chose qu’on cachait à la maison. Notre famille est originaire d’Alsace. Et plus lointainement, cela remonte à la Tchéquie. Mais chez nous, on ne parlait pas du tout le yiddish. » se souvient-il.
Michel Schick est venu à la musique un peu par hasard. Il a commencé au conservatoire municipal de Vincennes où il vivait avec ses parents. Ensuite, après des études de commerce, vers l’âge de 28 ans, il se rend à l’évidence que pour être fidèle à ce qu’il est, il lui fallait concilier le plaisir et la vie, et c’est à ce moment-là qu’il plonge définitivement dans le bain de sa passion, la musique.
« J’ai étudié la clarinette sans vraiment imaginer que cela pourrait me rattacher à mes origines. Et c’est un peu sur le tard, et grâce à des rencontres, notamment Marthe Desrosières, une flutiste qui dirige des ateliers de musique klezmer à la maison des cultures yiddish. Et ça a été le début du déclic », résume le musicien, « Parallèlement, j’ai un vieux copain, Stephen Harrison, un contrebassiste avec lequel j’ai joué dans Sons of the Desert. Et il m’a fait découvrir cette musique-là. Lui s’était initié à toutes les musiques folk irlandaises et bien d’autres. Mais il pratiquait également la musique yiddish qu’il jouait dans le métro à Londres. Il m’a appris quelques morceaux. Tout ça sans parler un mot de yiddish ! Cela m’est retombé dessus comme une sorte de boomerang culturel. Alors en 2011, j’ai créé Horse Raddish, et nous avons sorti notre album « Electric Klezmer » où nous avons écrit deux compositions originales parmi des reprises du folklore yiddish traditionnel que nous avons remodelées. Mais dans notre second album sur lequel nous travaillons déjà, nous avons décidé qu’il contiendra 80% des compositions originales. »
Si la plupart des titres du groupe sont instrumentaux, et repris des classiques de la tradition kletzmer, on trouve néanmoins des compositions originales chantées, dont un slam assez surprenant intitulé « Hora du Dibbouk »
« Oui c’est Loïc Antoine, un slameur de Lille », précise-t-il. « Ce qui est assez étonnant c’est qu’il n’est pas non plus de culture yiddish, mais il s’est embarqué dans cette aventure avec une thématique qui nous ramène dans ce coté démon qu’on retrouve dans la littérature et dans le théâtre juif. C’est un mec habité. »
Comment s’est opéré le choix de ces chansons ? Michel répond à ma question en démontrant qu’Horse Raddish est une petite démocratie.
« On s’est réuni et chacun de nous connaissait deux, trois thèmes. Donc on les a joués, les autres les ont enregistrés sur leurs iPhones et nous sommes partis de là. Après, nous avons fait une sélection, mais tout est parti de la mémoire de ce qu’on avait. » Et le plus extraordinaire dans tout cela, c’est qu’aucun des six musiciens ne sait vraiment parler le yiddish… À part le guitariste Michel Taïeb, qui chante de temps à autre en yiddish. Mais si l’on considère que l’origine de Taïeb se situe plutôt du côté de l’Afrique du Nord que de l’Europe de l’Est… on se doute que le yiddish du guitariste est quelque peu… phonétique. Mais c’est peut-être là justement qu’Horse Raddish est le plus touchant. Ce désir de faire vivre à tout prix cette culture yiddish est tout à leur honneur, à l’instar de leur musique qui n’est que plaisir pour ceux qui la découvrent.
Si toutefois vous aviez l’infortune de rater leur concert de mardi prochain au New Morning, il existe une séance de rattrapage, le 3 décembre Aux Disquaires une jolie salle qui se trouve au 6 rue des Taillandiers, Paris 11éme.

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Quant au Festival Jazz’N’Klezmer de Paris, il vous donne rendez-vous dés lundi prochain à la Belleviloise le 16 novembre à partir de 19h pour sa soirée sans doute la plus cruciale sous-titrée en jeu de mots « La bal Mitzva » avec The Angelsy, groupe israélien, le Canadien Socalled qui pratique une fusion intense entre le hip hop et le klezmer, la violoniste ludique Estelle Goldfarb et enfin Valentina Casula qui nous vient d’Italie.
Le jeudi 19 novembre, ce sera Azafea à la synagogue Copernic pour découvrir un trio formé du contrebassiste français Rémi Yulzari, du guitariste israélien Nadav Lev et du trompettiste Frank London pour un cocktail oriental entre ladino et chansons séfarades.
Le 21 novembre, ce sera la « tête d’affiche » du Festival, le talentueux clarinettiste de New York, David Krakauer, qui revisite à sa manière aussi fantasque que festive les bandes originales des films juifs les plus emblématiques d’Hollywood de « Cabaret » aux « Producteurs » en passant par l’incontournable Woody Allen comme le promet titre « The Big Picture » de son dernier album.
Le 24 novembre le groupe israélien Shalosh se produira au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme.
Le 25 novembre Olivier Temine & les Volunteered Slaves seront à l’Espace Rachi.
Le 1er décembre, toujours à l’espace Rachi, Yom clôturera de son métissage country folk et musiques de l’est cette 14éme édition du Festival Jazz’N’Klezmer de Paris.