Cher François Hollande,
J’étais donc dans cette cour si digne, si solennelle et si triste des Invalides ce matin, pour ma cousine Fanny mais aussi pour tous les autres, pour leurs familles et pour partager avec eux ce moment de solidarité sous le sceau de la fraternité absolue.
Après de profondes réflexions familiales, nous sommes quand même venus, en toute petite délégation.
Mais c’était une belle cérémonie et un beau discours.
J’espère que vous tiendrez les promesses engagées ce matin.
Toutes les promesses.
Elles sont si fondamentales.
Car il demeure des colères légitimes et beaucoup ne sont pas à la hauteur de ce qui se joue, pour notre liberté, à tous.
Il est des réflexes normaux et de l’ordre du vital mais certaines partitions deviennent insupportables.
Il est des erreurs tout à fait excusables ou déjà pardonnées mais d’autres médiocrités le sont beaucoup moins, et ceci dans tous les univers traversés par cette tragédie incommensurable.
Incommensurable oui, en particulier pour nous. Ce nous désignant désormais « les familles et les proches des victimes du 13 novembre », plongés d’une certaine façon pour toujours à la marge, dans une dimension surréaliste, à la fois au coeur mais également dans une bulle parallèle si étrange, à côté de vous.
Des lumières se sont déjà allumées et se révèlent néanmoins, attendues ou non.
D’autres se sont éteintes de façon sidérante, que nous avions anticipées et vu venir, ou non.
Il est si important et si urgent qu’après « ça », pour notre avenir commun, nous progressions tous collectivement vers quelque chose de meilleur, de plus joli.
J’espère qu’il en sera ainsi et que nous y arriverons, ensemble.
Nous n’avons pas fini d’écrire, nous ne faisons que commencer mais j’ai bien vu de la lumière ce matin.
Et j’aimerais serrer dans mes bras et remercier de toute mon âme la personne qui a choisi d’inscrire « Va, pensiero » de Verdi à cet hommage, soit le choeur des Hébreux de Nabucco.
Si vous saviez… Pour moi parmi les plus beaux hymnes à l’exil que j’avais moi-même inscrit ici il y a peu ou il y a 100 ans, je ne sais plus, au plaidoyer pour l’accueil des réfugiés. Nous l’avons repris et chanté comme nous avons pu ce matin, ma mère sur mon épaule.
Ce texte d’Aline Le Bail-Kremer, dont la cousine est morte au Bataclan, est paru sur le site de nos confrères de « La Règle du jeu ». Le prochain numéro de l’Arche publiera un témoignage de notre collaboratrice sur sa cousine Fanny, dont notre journal veut saluer la mémoire, entre autres victimes de la barbarie du 13 novembre dernier.