La visite à Paris de la vice-ministre des Affaires étrangères d’Israël.
A 37 ans, cette femme politique israélienne joue avec les cartes de sa génération. Un langage cash, des idées claires et la Hasbara en ligne de mire. Née le 2 décembre 1978 à Rehovot, Tzipi Hotovely est issue d’une famille originaire de Géorgie. Elle étudie le droit à l’université Bar-Ilan et à celle de Tel Aviv. En 2003, elle devient avocate avant de commencer une carrière dans les médias, notamment comme auteur d’articles politiques dans le quotidien Maariv à partir de 2006. Depuis le 24 février 2009, elle fait partie successivement des 18e et 19e législatures de la Knesset en tant que députée du Likoud. Le 18 mars 2013, elle est nommée ministre délégué aux Transports, aux Infrastructures nationales et à la Sécurité routière dans le gouvernement Netanyahou III. Le 6 mai 2015, elle devient ministre déléguée aux Affaires étrangères dans le gouvernement Netanyahou IV. Et son anglais quasi-parfait y est pour quelque chose.
Tzipi Hotovely, sourire permanent aux lèvres, passe rarement par quatre chemins. Et ce, surtout lorsqu’elle arrive en visite non-officielle en France. Venue en décembre rencontrer Jacques Audibert, conseiller diplomatique du président français, ainsi que quelques députés, la vice-ministre des Affaires étrangères israélienne tient à faire passer un message : l’enjeu mondial d’aujourd’hui n’est autre que la lutte contre le terrorisme. Un postulat qui positionne Israël comme un allié essentiel dans le Moyen-Orient et conduit ainsi l’Occident à tendre l’oreille lorsque l’Etat juif fait état de ses difficultés face aux Palestiniens. Après les attentats de janvier et de novembre 2015, Tzipi Hotovely surfe sur la vague de l’insécurité et de la communauté de destin entre la France et Israël. « Désormais, vous vivez ce que nous vivons depuis soixante ans », martèle-t-elle lors de ses déplacements en Europe. Pour illustrer ses propos, la femme politique n’hésite pas à apporter avec elle l’une des 4 000 poupées saisies à Haïfa par la douane israélienne début décembre. Elle représente un lanceur de pierre, dont le visage est masqué par un keffieh, portant un t-shirt avec l’inscription « Jérusalem, nous voilà ». La vice-ministre des Affaires étrangères a même envoyé ces poupées par courrier diplomatique aux différentes ambassades israéliennes, avec des instructions pour les présenter au public, comme le rapporte le site d’informations i24.
Son but premier : montrer l’endoctrinement subi par les enfants palestiniens par ce genre d’objet de propagande. Son objectif ultime : contrer la décision de l’Union européenne d’imposer l’étiquetage des produits en provenance des implantations israéliennes de Cisjordanie. Avant l’adoption de cette décision, Hotovely exhortait déjà les pays européens à refuser cette loi en les menaçant de ruptures diplomatiques. Elle qualifiait cet étiquetage de « quintessence du boycott ». Aujourd’hui, elle va même plus loin en appelant l’UE à stopper son financement à destination des associations et ONG « anti-israéliennes », telles que Breaking the Silence ou B’Tselem. Elle aurait averti les représentants de l’Union européenne que Jérusalem pourrait rendre illégal le financement de ces organisations par leurs pays. Au quotidien Le Monde, elle déclarait en décembre : « L’Europe veut être un acteur fort, mais ça dépend de ses actes. Si ses positions sont clairement pro-palestiniennes, alors qu’Israël est le seul pays démocratique dans la région et le seul à combattre le terrorisme, alors l’Europe agit contre ses intérêts. En déclarant un gel de nos contacts sur les problèmes du Moyen-Orient, Israël fait clairement savoir que l’UE ne peut jouer un rôle en étant aussi partisan ».
La Hasbara, c’est justement son cheval de bataille. Cet automne, Hotovely avait annoncé que Google, le propriétaire de YouTube, avait accepté une procédure conjointe pour surveiller les contenus mis en ligne, notamment les vidéos qui inciteraient à attaquer des Israéliens, après une réunion avec des responsables de Google. Mais un porte-parole du groupe américain a déclaré à l’AFP qu’aucun accord de cette sorte n’avait été conclu. Sur sa page Facebook, la femme politique relaye régulièrement ce genre de vidéos dont elle accuse « le Hamas, l’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas » de véhiculer. « Or, la communauté internationale soutient totalement l’Autorité palestinienne. L’AP a reçu plus d’aide que toute autre entité dans le monde, par habitant. Cet argent est allé à la corruption et au terrorisme. Il faut que les exigences vis-à-vis des Palestiniens soient plus fortes, pour éduquer leurs enfants », explique-t-elle dans son interview au Monde.
Dans une tribune publiée sur le site du Wall Street Journal en octobre, Hotovely cite une phrase qu’aurait prononcé Mahmoud Abbas sur une chaîne de télévision palestinienne : « Nous accueillons chaque goutte de sang versée à Jérusalem ». La vice-ministre des Affaires étrangères affirme alors que l’Autorité palestinienne verse des allocations aux familles des terroristes, incitant ainsi les jeunes à devenir martyrs. « La société israélienne et la tradition juive sanctifient la vie. La société palestinienne glorifie la mort. Les enfants israéliens grandissent avec des chansons sur la paix (…) Les enfants palestiniens apprennent à haïr. Ceci est dramatique car la communauté internationale devrait faire la différence. Environ un tiers du budget de l’Autorité palestinienne est financé par l’aide internationale. Cet argent est prévu pour développer les infrastructures palestiniennes et contribuer à la croissance économique. Mais il est détourné par l’Autorité palestinienne pour promouvoir le meurtre de Juifs et semer la terreur en Israël ».
Seulement, parfois, ses mots dépassent les pensées du chef du gouvernement. En octobre dernier, Benyamin Netanyahou avait dû réaffirmer la position du gouvernement vis-à-vis du statu quo du Mont du temple et sa volonté de ne pas y toucher. Car quelques heures plus tôt, sa vice-ministre des Affaires étrangères déclarait sur le plateau d’une chaine de télévision son rêve de voir « flotter le drapeau israélien sur le Mont du temple ». Dans son communiqué, le Premier ministre s’adresse clairement à elle en précisant : « qu’il attend de tous les membres du gouvernement qu’ils agissent en conséquence ». Quelques heures plus tard, Hotovely publiait à son tour un communiqué précisant que ses « opinions personnelles ne sont pas la politique du gouvernement » et qu’elle était « attachée à la politique au sujet de laquelle le Premier ministre a dit qu’il n’y aurait pas de changement du statu quo ». La vice-ministre avait également fait des siennes au moment de son investiture en mai 2015.
Fraîchement nommée, Hotovely avait affirmé que toute la terre entre le Jourdain et la Méditerranée appartenait à Israël et a invoqué les écrits juifs sur la création du monde pour appuyer ses dires. « Il est important de dire que cette terre est la nôtre, toute cette terre. Nous n’avons pas à nous excuser d’être venus ici », avait-elle lancé aux diplomates et aux employés du ministère. Récemment, elle a même publié sur les sites des ambassades israéliennes un document prônant un discours positif sur les implantations en Cisjordanie. « Ce document repose sur les analyses juridiques d’éminents spécialistes. Au regard de la loi internationale, on ne peut pas être considéré comme un occupant dès lors qu’il n’y avait pas d’Etat palestinien en 1967. Le mot est donc politique, pas juridique. La Judée-Samarie était la terre natale juive pendant 4 000 ans. Certaines communautés remontent à cette époque. C’est une zone disputée comme 200 autres dans le monde, mais elle a un traitement unique. En outre, selon les accords d’Oslo, il n’a pas été demandé à Israël d’arrêter les colonies. Nous avons le droit de construire. Je n’ai jamais compris le concept selon lequel des familles, des femmes et des enfants, dans ces belles communautés, porteraient atteinte à la coexistence. Elles sont construites sur 3 % de la terre », précise Hotovely au journal Le Monde.
D’ailleurs, la vice-ministre s’oppose clairement à la création d’un Etat palestinien, contrairement à Netanyahou. « Je ne crois pas que les deux seules options sur la table soient la solution à deux Etats ou un Etat binational. On peut avoir une confédération, par exemple », suggère-t-elle lors de son entretien au Monde. Un nouveau point de discorde que le chef du gouvernement devra accepter s’il souhaite donner une place croissante à cette génération montante de politiciens issus de la droite de la droite.