Cette semaine, elle est venue coiffer toutes les discussions… cette fameuse et mystérieuse kippa, ou plutôt le retour de la question juive, cousue de fil blanc.
Un débat qui a beaucoup remué après l’agression odieuse d’un enseignant juif à Marseille par un lycéen de 16 ans obnubilé par Daesh et la haine du juif, et dans lequel ilfallait prendre garde à ne pas tomber dans de faux débats.
Premièrement, il ne s’agissait pas de savoir s’il faut ou non la porter : en vérité, libre à chacun de l’arborer quand lui semble approprié… untel la mettra pour étudier, un autre à chaque repas, et Rabbi Jacob ne la mettra pas, tous les dimanche.
Deuxièmement, il ne s’agissait pas non plus de pousser les juifs à la retirer par principe de précaution… Non à l’intégrisme, non à la menace, non à la peur, non au renoncement à l’identité religieuse Cependant, depuis que l’antisémitisme a recommencé à sévir, beaucoup font le choix de troquer la kippa pour la casquette, voire de la retirer, et cela se comprend parfaitement.
Troisièmement, il ne s’agissait pas de profiter de ce débat pour trouver des excuses ou des motivations aux antisémites. C’est pourtant ce qu’a fait l’inénarrable Rony Brauman, qui a osé affirmer que la kippa serait « un signe d’allégeance à la politique d’Israël ». Enormité grossière, non contredite par un journaliste d’Europe 1, et qui revient à justifier les attaques antisémites en France comme des actes politiques en réaction au gouvernement israélien. Peut-on réellement imaginer qu’un homme comme Rony Brauman ignore le sens et l’histoire de la kippa ? Et quand bien même la kippa serait perçue à tort comme un symbole d’allégeance, en quoi cela autorise-t-il cette violence criminelle ? Pourquoi ajouter, à l’ignominie de l’acte,cette légitimité indigne et mensongère ?
Quatrièmement, il ne s’agissait pas de faire droit à des revendications communautaristes qui iraient à l’encontre des intérêts de la nation, comme l’a prétendu Eric Zemmour pour qui la kippa serait « un selfie religieux, la vulgarité contemporaine du narcissisme, du consumérisme et du communautarisme ». C’est peu ou prou ce que disait Marine Le Pen qui prônait l’interdiction de la kippa dans l’espace public.On leur rappellera que la France est un pays laïc, et que la laïcité garantit avant toute chose la liberté des cultes.
Cinquièmement, il ne s’agissait pas d’accorder aux juifs un privilège inédit aux autres communautés. Non, il n’y a pas « deux poids, deux mesures » entre la kippa et le voile. La loi française les traite de la même façon : elle les interdit à l’école publique, en tant que signes religieux ostentatoires,mais les autorise dans l’espace public. Et si une femme est attaquée en raison de son voile, il faut le dénoncer et le combattre avec la même vigueur que lorsqu’un homme est ciblé parce qu’il porte la kippa.
En vérité, dans ce débat, la kippa n’aura été qu’une synecdoque, une image pour interroger à nouveaula possibilité d’être juif en France. L’année passée l’a démontré, la condition juive est périlleuse dans ce pays. Dans la rue, sur le Net, les actes antisémites sont banalisés, et de plus en plus violents. Il est particulièrement inquiétant de voir qu’un jeune de seize ans dise avoir honte de ne pas avoir réussi à « tuer un juif » après l’avoir agressé au couteau. Pourtant, l’intensité du débat sur la kippa aura montré qu’un nombre grandissant de Français s’inquiètent du phénomène de l’antisémitisme. Et quand on mesure le nombre de gens qui ont fait preuve de solidarité, et affirmé qu’ils porteraient la kippa si certains craignaient de la montrer, alors il est plus que jamais permis d’espérer.