Ce documentaire réalisé par Ayat Najafi retrace le combat d’une compositrice iranienne pour organiser un concert de femmes dans son pays, alors que la République islamique l’interdit. Un projet d’apparence impossible.
Est-ce que chanter est un acte révolutionnaire ? Lorsqu’on marmonne de la variété potache sur les quais de Seine, pas vraiment. Lorsqu’on est une femme en Iran et qu’on veut en plus le faire devant un public, oui, c’est éminemment politique. Dans « No Land’s Song », documentaire en salles depuis ce 16 mars 2016, Sara Najafi jeune compositrice passionnée, rêve de voir des femmes monter sur scène à Téhéran, comme c’était le cas avant la Révolution de 1979 qui a abattu sur son pays la chape de plomb du conservatisme religieux. Sara craint que « la voix des femmes iraniennes ne s’éteigne », et milite pour un progrès inclusif des femmes. Elle propose alors à trois artistes françaises (Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouthi) de se joindre à elle et ses amis iraniennes, pour braver censure et tabous et organiser un concert de chanteuses solo.
Pendant deux ans la caméra, souvent cachée, l’accompagne dans son combat. La construction de son projet se fait dans la joie, le doute et la crainte. Les élans de voix et d’instruments lors des répétitions à Paris et à Téhéran se conjuguent aux menaces, aux intimidations, aux refus des autorités d’autoriser cette manifestation et d’accorder un visa aux chanteuses françaises pour venir en Iran… Le ministère de la Culture et de la guidance islamique, organe de pouvoir qui légifère à son bon vouloir sur ce genre de requêtes, ne cesse de qualifier la sienne d’« impossible ». « Le régime s’oppose à ce que les femmes chantent et en particulier les femmes solistes, devant un public composé d’hommes» lui répète un fonctionnaire du ministère. Un religieux avec lequel elle s’entretient, valide la position de la République islamique et lui explique que « La voix des femmes se transforme pour donner du plaisir ». L’une des Françaises propose même, par excès de zèle, de supprimer les femmes de la terre, solution viable pour éradiquer le problème. Pourtant le projet abouti, le concert est sublime. Ce documentaire offre le portrait magnifique d’une héroïne des temps modernes et montre combien, pour ceux qui en douteraient, la culture fait partie intégrante de tout combat politique.