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Israël

Sivan Cohen-Wiesenfeld : «L’interdisciplinarité abat les cloisons »

L’Arche : D’après le classement du blog GeekTime, 15 des 100 figures les plus influentes du High Tech israélien collaborent à l’Université de Tel-Aviv, ce qui fait de cette institution, la première du pays. Quels sont les secrets de cette réussite ?

Sivan Cohen-Wiesenfeld : Depuis sa création, voilà à présent soixante ans, l’Université de Tel Aviv a toujours mis l’accent sur l’excellence, la recherche, et la vision de l’avenir.

Déjà à cette époque, Haim Levanon, alors maire de Tel-Aviv, souhaitait y réaliser la vision des fondateurs de la ville: créer dans cette cité nouvelle une institution universitaire de haut niveau qui attirerait la jeunesse. Aujourd’hui, partie intégrante de la métropole internationalement connue comme la « ville sans interruption » au cœur de la startup nation, l’UTA met l’accent sur l’innovation. 15 des 100 figures les plus influentes du High Tech israélien, dont le professeur Yossi Matias, vice-président de Google, sont liées à l’Université de Tel-Aviv, comme enseignants ou anciens étudiants, ce qui la place au 1er rang en Israël. Elle est également dans le top 100 des universités les plus innovantes du monde d’après le classement de l’Agence Reuters, et à la neuvième place mondiale pour le nombre de ses anciens étudiants devenus entrepreneurs et créateurs de startups.

L’Université promeut également les liens entre la recherche et l’industrie. Ramot, la société de transfert de technologie de l’UTA, enregistre plus de 70 brevets par an. Il suffit de dire, par exemple que la mémoire flash de SanDisk, le lecteur de code barre de Motorola, ou le traitement de l’insomnie de Circadin ont été développés à l’UTA.

Son école de Gestion, la Recanati Business School a obtenu pour la deuxième année, les 5 étoiles du classement Eduniversal, qui la classe dans la même catégorie que les Ecoles de business de Harvard et de Yale.

Son école de cinéma est classée cette année encore parmi les 15 meilleures du monde, d’après le Hollywood Reporter.

A l’occasion de son soixantième anniversaire, l’UTA a décidé de renouveler son image de marque en plaçant la recherche au cœur de son identité autour du slogan : « A la poursuite de l’inconnu », qui symbolise son désir constant d’explorer de nouvelles découvertes. La contribution de ses chercheurs à la science est internationalement reconnue, et cette année encore, l’UTA est parmi les premières en Europe pour le nombre de bourses « jeunes chercheurs » accordées par le Conseil européen de la recherche. Elle est également consciente du fait que cette excellence est indispensable à la capacité de survie nationale, économique et sécuritaire de l’Etat d’Israël. Le Dr. Danny Gold, « père » du système de défense antimissile « Dôme de Fer », titulaire de deux doctorats de l’Université de Tel-Aviv, a encore récemment souligné le rôle crucial joué par la formation intense qu’il a reçu à l’UTA dans le développement des capacités qui lui ont permis de développer le système technologique qui a sauvé d’innombrables Israéliens de la mort et de la destruction.

Attentive aux fluctuations de la réalité académique et sociale, l’Université ouvre tous les ans de nouveaux programmes et parcours d’études et de recherche. Elle ouvre de même ses portes aux étudiants du monde entier, dont plus de 8000 suivent régulièrement ses programmes internationaux (14 de MA, deux de BA).

L’UTA encourage également l’accès à l’éducation supérieure aux populations défavorisées par de nombreux programmes spécifiques, et s’ouvre régulièrement au grand public au moyen de centaines d’évènements par an.

Enfin, sur le plan architectural, elle a récemment inauguré le bâtiment Porter pour les études sur l’environnement, l’édifice le plus écologique d’Israël, classé parmi les 14 principaux « bâtiments verts » du monde; son Musée d’Histoire naturelle, Centre national d’Israël de recherche sur la Biodiversité, ouvrira ses portes au public en janvier 2017, et plus tard son futur centre de visiteurs, qui sera construit sous forme de pyramide.

L’Université de Tel-Aviv s’illustre aussi par une multitude de départements de recherche, en biologie, médecine mais aussi droit, économie, et même en zoologie… Pourquoi a-t-elle fait le choix d’une si grande pluridisciplinarité ? En quoi est-ce porteur ?

L’UTA est l’université la plus complète et la plus variée du pays. Dans ses laboratoires, dans ses salles de cours et sur ses pelouses se développent les futures générations qui influenceront l’univers des sciences, des arts et la société de demain, en Israël et dans le monde: chercheurs, médecins, ingénieurs, mais aussi juristes, éducateurs, économistes artistes et intellectuels.

Cette variété favorise bien sur une grande richesse des études, mais surtout permet de promouvoir la recherche interdisciplinaire, fer de lance de l’UTA, qui abat les cloisons entre les divers domaines du savoir et stimule la collaboration entre chercheurs de différentes disciplines.

C’est cette interdisciplinarité qui explique la place de l’Université de Tel-Aviv en tête de l’innovation dans le monde, dans des domaines comme les énergies renouvelables, les études sur l’environnement ou la nano médecine. Elle trouve son expression au sein de centres d’excellence internationaux et de laboratoire perfectionnés, comme l’Ecole des Neurosciences, unique en Israël, le Centre des nanosciences et nanotechnologies, qui regroupe des chercheurs de 4 facultés, le programme de bioinformatique, qui rassemble des scientifiques des facultés de biologie, de médecine et des sciences exactes, ou le Centre d’études sur les Big Data. Une place particulière doit être accordée au centre multidisciplinaire sur la cyber sécurité, créé en collaboration avec le Centre national de recherche cybernétique en Israël, qui se concentre sur la sécurisation des logiciels et des réseaux informatiques, le décryptage, les protocoles de réseau, la lutte contre les cyber-attaques et le cyber terrorisme, et les aspects politiques, juridiques et militaires dans ce domaine. L’interdisciplinarité concerne bien sûr également les sciences humaines, les études culturelles ou les domaines artistiques.

Et oui, le jardin de recherche zoologique de l’UTA est le seul zoo universitaire du monde, et il existait déjà lors de sa création en 1956 !

Un groupe de chercheurs dirigé par le professeur Ilana Gozes de la Faculté de médecine et de l’Ecole des neuroscience de l’Université de Tel-Aviv a identifié un biomarqueur qui pourrait conduire au diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer… Pouvez-vous expliquer la démarche et la portée de cette découverte ? Quels sont vos axes de développement pour l’avenir en médecine et dans les autres domaines?

Le Prof. Ilana Gozes a dirigé un groupe de chercheurs israéliens et américains qui a identifié une protéine, l’ADNP, dont le niveau augmente de manière caractéristique dans le sang chez les patients atteints d’Alzheimer. Cette découverte est susceptible de conduire à une percée importante pour le diagnostic précoce de la maladie, par un test sanguin simple et fiable, permettant la mise en place d’une thérapie préventive. Actuellement, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est basé sur un long processus complexe, comprenant des tests évaluant la mémoire, les capacités cognitives et fonctionnelles et les modifications comportementales des patients.

La protéine ADNP a été découverte il y a 15 ans dans le laboratoire du Prof. Gozes. Lors de précédentes recherches, les chercheurs avaient montré qu’elle protégeait le cerveau de diverses maladies; à présent, ils ont cherché à examiner s’il existait un lien entre son expression dans le sang du patient et ses capacités cognitives.

L’étude s’est déroulée en trois étapes. Les deux premières, menées sur un groupe d’adultes en bonne santé à Boston, et dont les résultats ont été analysés dans le laboratoire du Prof. Gozes à l’UTA, ont montré une adéquation entre le niveau de l’ADNP dans le sang et les capacités cognitives du patient. En d’autres termes: plus les capacités cognitives sont élevées, plus le niveau d’ADNP augmente. Dans une troisième étape, menée au Centre médical Rambam de Haïfa, les chercheurs ont testés également des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Et là une surprise les attendait: la quantité d’ADNP dans les globules blancs des patients atteints d’Alzheimer s’est avérée 8 fois plus grande que chez les autres. Même s’ils ne peuvent pas pour le moment, expliquer cette hausse, on peut donc considérer que cette protéine constitue un bio-marqueur clair de la maladie, qui peut être utilisé comme base pour l’élaboration d’un test sanguin simple pour la diagnostiquer, et, peut-être plus important encore, pour la prévoir bien avant qu’elle éclate, ce qui permettra aux patients de commencer immédiatement un traitement préventif, qui retarde et atténue la maladie. Cette recherche va bien sûr être poursuivie et élargie à des populations plus larges.

Il s’agit de l’une des 3500 études réalisées chaque année à l’UTA dans tous les domaines. De nombreux chercheurs travaillent sur l’alzheimer et en neurosciences. Une autre étude récente par exemple, a montré qu’il existe un lien entre un facteur de croissance nécessaire au développement des tissus et l’hyperactivité de l’hippocampe, zone du cerveau responsable de l’apprentissage et de la mémoire, qui précède les premières phases de la maladie.