La pièce de Ferenc Molnar, écrite en 1909, qui fut un échec pour ses premières représentations en Hongrie, est une référence cinématographique et théâtrale. En 1921, Broadway lui fait un succès, elle triomphe à Londres en 1926 avec Charles Laughton, à la radio avec Orson Welles, elle est reprise notamment à New York en 1940, jouée entre autres par Ingrid Bergman.
Liliom connaît de nombreuses adaptations au cinéma, sur les scènes françaises et mondiales. Son auteur naît Neuman dans une famille juive de Budapest, son père, médecin, l’envoie étudier en Suisse et Ferenc adopte le nom de Molnar (meunier). Devenu journaliste, il est correspondant durant la Première guerre mondiale et décoré par l’empereur François-Joseph. Au début de la Deuxième guerre mondiale, les persécutions nazies contre les juifs le poussent à émigrer aux Etats-Unis.
Ce mélodrame, se joue dans une fête foraine avec sa magie, son quotidien misérable, sa mère maquerelle, son bonimenteur à gueule d’ange qui séduit toutes les femmes. L’amour se manifeste entre deux êtres que tout oppose. Julie, la petite bonne, prête à tout sacrifier, s’installe avec cet amant brutal, tourmenté, terrible, qui l’aime mais ne peut changer son tempérament.
Le metteur en scène Patrick Alluin est fasciné par la musique, le visuel. Il a été assistant au théâtre Mogador après des études de cinéma, de lettres modernes et le cours Simon. « Je suis passionné d’opéras, de mises en scène lyriques, de musicals. Après avoir monté des pièces au Théâtre Michel, au Vingtième Théâtre, au Trévise, au Gymnase, aux Variétés, joué entre autres avec la Compagnie Roumanoff, dans des mises en scène de Daniel Mesguisch, Jean-Louis Benoît… j’ai créé la Compagnie Mireno Théâtre en 2012 pour monter Liliom qui me trottait dans la tête depuis longtemps. J’ai été saisi par la poésie, la violence des rapports des personnages et par l’empathie qu’ils provoquent. C’est original, fantastique, un grand récit populaire. Liliom parle de la connaissance de soi, avec sa part de mal qu’il faut accepter pour avancer. »
La pièce exige beaucoup de monde sur scène. Le metteur en scène l’a montée avec dix comédiens. Liliom est un être amer, il parade, mais la culpabilité le ronge. Il refuse toutes les règles de la société. Julie, sous sa douceur, lutte violemment pour son bonheur – mari, enfants, famille… Liliom : « Tu te mettrais vraiment avec un sale type comme moi ? Enfin, je veux dire, si tu m’aimais ? » Julie : « Même avec le diable Monsieur Liliom. » Tout sépare ces deux êtres dans le fracas des paillettes, des montagnes russes de cette pièce pleine de rebondissements.
Les dix comédiens sont talentueux et investis dans leurs rôles auxquels ils se donnent entièrement, dans la mise en scène rythmée de Patrick Alluin, les lumières et le son en harmonie avec le manège de cette fête éphémère et du rêve qui disparaît. Il y a un suspense onirique et d’une fraîcheur inattendue. Peut-être existe-t-il une police du ciel ?
