« Le silence, c’est la lèpre »
Nathan Fabre, professeur dans un collège franco-allemand et chercheur en histoire sur la période nazie, visite un jour Buchenwald. Sur une photographie du camp, il est frappé par la ressemblance entre un détenu et son propre père, Adrien. Onzième film d’Elie Chouraqui, L’Origine de la violence, adapté d’un roman autobiographique de Fabrice Humbert qui a obtenu le prix Orange en 2009, mêle plusieurs temporalités avec une ampleur digne de la fresque : 1937, 1941, 1962, 2014…
L’enquête de plus en plus troublante qu’entreprend Nathan ouvre sur des flash-backs concernant sa famille, catholique et grand-bourgeoise. Pour ce jeune Français qui vient de tomber amoureux d’une Allemande de Weimar dont toute la famille était nazie, l’enjeu de la recherche est à la fois professionnel, historique, familial mais aussi très personnel : le prologue du film montre en effet ce garçon poli, distingué et cultivé soudain aux prises avec une violence qu’il ne comprend ni ne contrôle. L’entrelacs des époques et l’écheveau du secret de famille articulent petite et grande histoires, comme si le cas particulier du jeune homme à l’identité compliquée valait pour toute l’Europe.
Le film donne chair à la lutte pour sortir de la « lèpre » du silence, même si les personnages du père et du grand-père, eux, justifient leur volonté de se taire et de vivre hors du passé. Campé du côté de son jeune protagoniste, Elie Chouraqui, lui, élucide, montre sans relâche – il s’aventure même à représenter dans la fiction la vie à Buchenwald, dans la continuité de la jeunesse romanesque et picaresque du détenu aperçu sur la photo : cet apprenti-tailleur juif et séduisant séduit en effet une jeune et riche héritière avant de lui préférer sa belle sœur, ce qui a pour lui des conséquences tragiques. Interprété avec brio par le fils du cinéaste, César Chouraqui, ce Nathan Wagner de 1937-41 finit par faire pâlir le Nathan actuel, l’universitaire qui tombe des nues à chacune de ses découvertes, déséquilibrant le film.
Reste une pléiade d’acteurs aussi expérimentés que Catherine Samie, Michel Bouquet et Richard Berry, qui font le trait d’union entre une fiction au passé un peu rétro et les potentialités de jeu qu’offrent les situations de 2014. L’Origine de la violence porte les qualités et les défauts de la soif explicative de son jeune héros. Mais il lui emprunte aussi une fougue communicative, une envie de raconter, quitte à faire du cinéma « de papa » – c’est-à-dire, dans son cas, de grand-papa.
Sortie le 25 mai