« Mazel Tov, tout va mal ! » Tout s’annonce donc d’entrée, avec ce titre. Une des définitions de l’humour juif étant de trouver de quoi rire même et peut-être surtout dans les plus grands malheurs, afin de les vaincre et les dépasser avec les armes du bord. Rencontre avec Jean-Henri Blumen, l’auteur de cette comédie inspirée de Cholem Aleikhem.
L’Arche : D’où est venue l’idée d’associer Cholem Aleikhem aux débats contemporains ?
Jean-Henri Blumen : L’idée m’est venue de transposer une nouvelle au débat contemporain dans l’écriture d’une des trois pièce en un acte, tout simplement pour mettre en scène une problématique actuelle susceptible de concerner une majorité de spectateurs juifs ou non juifs. Si j’avais laissé le texte en l’état nous serions restés de simples témoins d’une problématique trop spécifique liée à la condition des juifs dans l’Empire Russe d’avant la Révolution d’octobre 1917. Cette transposition permet en somme de dégager le fond d’un problème et sa dimension universelle. Dans le cas de mon spectacle, l’une des pièces traite de la préoccupation pour des parents de placer leur enfant dans le meilleur collège, gage de réussite et de promotion dans l’échelle sociale. Même présentée au sein d’une famille juive, avec la touche spécifique que cela comporte, cette préoccupation concerne beaucoup de parents de nos jours et les spectateurs ne s’y sont pas trompés.
Les différentes époques peuvent-elles se parler et surtout se comprendre ?
Comprendre une époque, c’est en connaître tous les ressorts. Or les connaissances en matière d’Histoire se diluent pour ne pas dire régressent de plus en plus au fil des réformes de l’enseignement scolaire. Je vous signale, par ailleurs, que seule l’époque présente peut comprendre une époque passée et pas l’inverse. En cela, on peut dire qu’une époque passée nous parle, l’inverse me semble difficile. Quand à penser qu’on pourrait comprendre une hypothétique époque future, les événements de ces vingt dernières années nous montre à quel point l’Histoire est imprévisible. Je ne suis qu’un modeste dramaturge, un peu musicien, compositeur, et j’exerce une profession, médicale. Dans ces trois domaines, j’ai obtenu une petite reconnaissance, par contre, je ne suis ni historien ni philosophe.
Qu’est ce qui vous plait le plus chez Cholem Aleikhem ?
Sa vision à la fois très réaliste et très humoristique d’un monde cruel, implacable, où le faible est broyé. Un monde où l’homme est présenté avec toutes ces faiblesses, tous ces travers. Une peinture sans concession mais tout de même remplie de compassion et de tendresse. C’est dans ce contexte que l’auteur yiddish nous donne une leçon de sourire en dépit de l’adversité. C’est un peu : comment prendre la vie du bon côté. Bonne leçon pour des Français, qui de nos jours, ne savent que se plaindre. Le monde juif de Cholem Aleikhem est présenté dans la réalité de son époque : les juifs subissent l’oppression, la violence, ils vivent en grande majorité dans une extrême pauvreté avec ce besoin inévitable de la débrouille. Il y a du Tchékhov (qui était médecin et qui vécu exactement à la même époque), chez Cholem Aleikhem, avec en plus le rire. D’ailleurs Cholem Aleikhem se proposait de soigner les maux de l’humanité avec le rire. En somme, je n’ai plus qu’à tenter de me rajouter sur la liste des soignants par le théâtre.
Mazel Tov, tout va mal ! Une comédie de Jean-Henri Blumen. Mise en scène de Mariana Araoz. Avec Christian Abart, Sophie Accaoui, Francesca Congiu, René Hernandez et Yasmine Nadifi.
Théâtre de l’Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, 75004 Paris. Réservations : 01 42 78 46 42.