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France

Lilian Thuram parle « égalité » et « préjugés » avec des adolescents

Mardi 7 juin, plusieurs dizaines de collégiens étaient réunis au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme pour échanger avec le célèbre footballeur.

Un groupe d’élèves entre dans l’auditorium du musée et le vacarme envahit la pièce. Les professeurs qui les accompagnent tentent tant bien que mal d’obtenir le silence, ou a minima de faire baisser le volume sonore. On devine dans leurs voix la lassitude de devoir faire cette demande sans cesse. Les enfants sont enfin installés et continuent leurs discussions.

Un instant plus tard Lilian Thuram fait son entrée. En quelques secondes il obtient, sans le demander, le silence complet de l’assistance. C’est une évidence maintenant, les mots qui sortiront de la bouche de la star du football seront écoutés et entendus par les collégiens.

Au total, ce sont quatre classes de 3e des collèges Auguste-Renoir d’Asnières et Garcia-Lorca de Saint-Denis qui ont fait le déplacement. Les élèves présents sont familiarisés avec les lieux puisqu’ils ont tous participé durant l’année scolaire 2015-2016 au programme éducatif «Stéréotypes et préjugés» mis en place par le MAHJ.

Pour les mettre à l’aise, Lilian Thuram commence par parler de lui.

« J’ai dû me questionner sur mes propres préjugés. » dit-il « Je suis né aux Antilles dans une société homophobe, dans une société avec des préjugés sur les personnes de religion juive et des préjugés sur eux mêmes. (…) Lorsque ma mère était jeune femme, on lui disait qu’il serait préférable de se marier avec quelqu’un qui avait la peau plus claire, pour avoir des enfants qui auraient une peau « chapée », la peau échappée du noir, la peau moins noire. Donc, la société antillaise avait intégré une image négative sur elle-même.

En une anecdote, il a intégré un grand nombre de sujets et de préjugés. On sent les enfants en confiance pour commencer à poser des questions. Ce n’est pas une leçon de morale, ni un cours. C’est une discussion. Il a d’ailleurs fait monter quelques élèves sur l’estrade pour qu’ils soient assis autour de lui et expliquera à la fin de l’échange qu’il est important pour lui de partir des questions des enfants et de les écouter.

Un courageux se risque à poser une des premières questions : « Est ce que c’est antisémite de dire que les juifs sont riches ? ». Pour Lilian Thuram, c’est une « question intéressante ». « On discute et je l’amène à réfléchir et à se rendre compte que ça n’a pas de sens de penser ça [que « les juifs sont riches »]. Mais moi je ne lui dis pas que ça n’a pas de sens, on réfléchit ensemble ». En effet, il amène intelligemment le jeune garçon à s’interroger sur sa déclaration et à déconstruire sa pensée initiale.

Puis, il s’attaque à la notion d’appartenance à un groupe et notamment à une religion. Pour illustrer son propos il utilise un exemple simple : une jeune fille doit imaginer être en possession d’un paquet de bonbons. En donne-t-elle plus à ses camarades de la même classe ? « Oui, c’est normal c’est ma classe » dit-elle. « Ah bon c’est normal ? » Grâce à cet exemple concret, il va amener la jeune fille ainsi que le reste de l’assemblée à se questionner sur le « nous » qui exclut le « eux ».

Devant des élèves qui pour certains ont beaucoup de mal à définir leur identité comme française (bien qu’étant français et nés en France pour la plupart) Lilian Thuram n’hésite pas à les « agresser » un peu, comme il l’explique à l’issue de la rencontre. Il les pousse à s’interroger sur tout et en particulier sur leur propre raisonnement et insiste sur la capacité à se poser des questions notamment sur sa religion. Il faut « prendre conscience de ce que vous recevez et qui vous enferme ».

Il reste conscient des limites de l’exercice, « je sais qu’ils ne vont pas changer d’avis, pas maintenant », dit-il, mais il espère avoir soulevé des questions auxquelles ils vont à présent chercher à répondre.

En guise de conclusion, le champion du monde de 98 donne une dernière recommandation à ses interlocuteurs avant de les quitter : « Emmagasinez des connaissances pour choisir votre vie, pour ne pas vous faire manipuler, pour comprendre la société dans laquelle vous évoluer. Il ne faut pas subir sa vie ».

Retrouvez les informations relatives à la fondation Lilian Thuram http://www.thuram.org/site/ et aux activités éducatives du MAHJ http://www.mahj.org/fr/4_visitesateliers/adultindiv_visiteguidee.php?niv=1&ssniv=2&subniv=1