C’est une heureuse initiative que cet appel publié ce dimanche dans Le Journal du Dimanche et signé de Français musulmans, parmi lesquels des intellectuels – dont Abdenour Bidar -, des médecins, des chercheurs, des universitaires, des chefs d’entreprise… qui réclament une « refondation » de la représentation de l’islam de France plus conforme à ce qu’en attendent les fidèles et plus de nature à rassurer la France. Depuis le temps que nous attendons un geste de ce type, nous ne pouvons que l’accueillir avec satisfaction, même s’il arrive tard, même s’il est incomplet, et même s’il ne va pas assez loin.
Las ! Il suffit de lire les premières lignes pour tomber de sa chaise.
« Après l’assassinat de caricaturistes, après l’assassinat de jeunes écoutant de la musique, après l’assassinat de femmes et d’enfants assistant à la célébration de la fête nationale, aujourd’hui l’assassinat d’un prêtre célébrant la messe… »
On l’aura compris, les seules à ne pas figurer sur la liste sont les victimes juives. Oubliées. Effacées. Scotomisées. On n’en parle pas. Elles ne comptent pas. Elles font partie de l’usuel, du rituel, de l’habituel, du normal. Amnésie inconsciente ? Erreur désinvolte ? Maladresse comme on a cherché à nous le faire accroire s’agissant de la sortie de Mme Najat Valaud-Belkacem, ministre de l’Education qui a totalement fait l’impasse sur la tuerie de Toulouse en affirmant qu’à Nice, c’était la première fois que le terrorisme s’en prend à des enfants.
Personne ne remet en cause le fait que la lutte contre le terrorisme est devenue le combat de tous. Personne ne nie que le terrorisme ne fait plus de quartier. Il ne respecte aucun sanctuaire. Il frappe partout où il peut. C’est vrai. Mais si on dresse la liste des cibles qu’il s’est fixées depuis quelques années, décider d’écarter celles qui ont été visées en premier (et qui continuent de l’être) et cruellement, c’est grave et c’est faire montre d’une indignation sélective (comme dans la célèbre histoire juive du parc « interdit aux juifs et aux cyclistes » où on s’étonne qu’on s’en prenne aux cyclistes alors que tout le monde trouve normal qu’on s’en prenne aux juifs)..
Si même ceux qui font partie des voix de l’islam modéré et ouvert, ceux en qui nous mettons nos espoirs pour faire reculer la barbarie, refusent de voir que la lutte contre l’antisémitisme fait partie des valeurs de la République, que la radicalisation commence hélas souvent (et ne finit pas) avec la haine des juifs, c’est que nous ne sommes pas au bout de nos peines.
Après la série d’attentats qui ont ensanglanté le pays, la France – c’est vrai – a besoin d’être rassurée. Mais chers signataires de cet appel salutaire, elle a besoin d’être rassurée dans toutes ses composantes. Les juifs et les cyclistes !