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Religion

Belgique, cible privilégiée

Molenbeek est l’emblème de la dérive d’un pays où le clientélisme politique est le meilleur allié du djihadisme.

 

La Belgique est, comme la France, la cible privilégiée du terrorisme islamiste en Europe. Au cours de ces deux dernières années, les attentats meurtriers se sont multipliés outre Quiévrain : attaque du musée juif de Bruxelles par Mehdi Nemmouche, fusillade dans le Thalys au départ de Bruxelles, double attentat suicide à l’aéroport de Zaventem et dans une station de métro du quartier européen de la capitale belge. À cela il faut ajouter une série d’agressions à l’arme blanche contre des fonctionnaires de police, et la découverte de cellules terroristes préparant en toute quiétude leurs sinistres forfaits.

Il faut cependant noter que ces attentats se sont tous produits dans la partie francophone du pays, épargnant la Flandre, et que Bruxelles, et plus précisément la commune de Molenbeek, l’une des dix-neuf municipalités de la région Bruxelles capitale, s’est révélée être la base arrière des responsables du massacre du Bataclan, dont faisait partie la famille Abdessalam.

Les djihadistes de Daesh ont déjà acté la fin de la Belgique, et considèrent sa partie francophone (la Wallonie et Bruxelles), comme un territoire relevant du même traitement que la France, comme espace où les traditions laïques et les débats relatifs à l’Islam sont similaires, donc passibles des mêmes sanctions.

La tâche leur est grandement facilitée par l’organisation administrative et politique de la Belgique, qui n’a cessé, depuis quatre décennies, d’affaiblir l’État central au profit des pouvoirs régionaux et communaux. Aujourd’hui, le royaume est « gouverné », sur le plan fédéral par une coalition de droite dans laquelle la partie flamande est dominée par les indépendantistes de la Nouvelle Alliance Flamande (NVA) dont l’objectif principal est la sécession de la Flandre. Pour le ministre de l’Intérieur Jan Jambon, membre du NVA, le principal souci n’est pas de mobiliser l’ensemble de la nation contre le terrorisme, mais de faire en sorte que la Flandre n’en subisse pas les conséquences. Comment expliquer, sinon, que des informations cruciales relatives aux « planques » des auteurs des attentats de Paris et de Bruxelles, détenues par la police de Malines, en Flandre, n’aient pas été transmises à leurs collègues belges francophones et français, à la grande colère de Bernard Cazeneuve exaspéré par l’inertie de son homologue belge Jambon ?

À ce délitement du pouvoir central en Belgique s’ajoute une spécificité du système politique belge qui donne des pouvoirs d’administration et de police très étendus aux collectivités locales et régionales, ce qui a pour conséquence l’existence d’un clientélisme politique à grande échelle, particulièrement développé dans la partie francophone dominée par un Parti socialiste s’assurant le pouvoir au moyen de prébendes – logements, emplois publics, passe-droits de toutes natures – attribués à des agents électoraux garantissant les suffrages de leur groupe d’intérêt, communautaristes pour la plupart.

Molenbeek, une commune de 150 000 habitants de l’agglomération bruxelloise, est exemplaire de cette dérive. Ce terroir, autrefois, faisait partie de la campagne flamande entourant une capitale majoritairement franco- phone, comme son nom l’indique : Molenbeek signifie « le ruisseau des moulins ». À partir du début du XXe siècle, elle s’urbanise en accueillant des nouveaux habitants attirés par le développement de Bruxelles : c’était le temps où, comme chantait Jacques Brel, « Bruxelles brusselait » et faisait partager sa prospérité et son insouciance joyeuse à de nouveaux venus : paysans flamands d’abord, puis immigrants de toutes origines, italiens, espagnols, polonais juifs et non juifs à la recherche d’une vie meilleure.

Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, il y avait une petite communauté juive à Molenbeek, très pauvre d’ailleurs, et même une synagogue, Beth Israël, fondée et financée en 1946 par un médecin local, Nouchim Kilimnik, qui fut maintenue en vie jusqu’en 2002, en dépit du départ vers des cieux plus cléments de la totalité des juifs de cette commune. Cette choule fut d’ailleurs reconstituée en 2012 dans les locaux du Musée juif de Bruxelles, comme témoin d’un passé révolu… Car Molenbeek est, entre-temps, devenue une ville où les musulmans, majoritairement originaires du Rif marocain, constituent 40 % de la population.

Pendant plusieurs décennies, son bourgmestre (maire) fut un ponte du PS belge, Philippe « Flüpke » Moureaux, qui s’attacha à s’attirer les bonnes grâces de cette population. Antisioniste virulent, marié en secondes noces avec une Égyptienne musulmane, il couvrait de bienfaits les caïds marocains de sa commune, qui lui assuraient en échange des « paquets » de voix aux élections. Il fermait les yeux sur les trafics de tous genres (drogue, armes) qui se pratiquaient à Molenbeek, et s’entourait d’obligés musulmans dans les services municipaux, dont un membre de la famille Abdessalam recruté comme « agent de la sécurité » du bourgmestre.

Le déni par les politiciens locaux de l’emprise grandissante de l’islam radical sur ces populations a été constant et total. Ce clientélisme effréné, qui ne se limite pas, d’ailleurs, à Molenbeek, mais touche d’autres communes à Bruxelles et en Wallonie, a été grandement favorisé. L’adoption par la Belgique, en 2000, d’une loi instituant le droit de vote des étrangers non européens résidant en Belgique depuis au moins cinq ans a encore amplifié ce clientélisme. Les « territoires perdus du Royaume » ne sont donc pas près d’être reconquis.