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Israël

Aliza Bin-Noun : « Une coopération franco-israélienne renforcée »

L’Arche s’entretient avec l’ambassadeur d’Israël en France, Mme Aliza Bin-Noun.

 

L’Arche : Mme l’Ambassadeur, l’Unesco a formellement adopté une résolution sur Jerusalem-Est, portée par les pays arabes, et niant le lien qui unit les juifs et le Mont du Temple. Qu’en pensez-vous ?

Aliza Bin-Noun : Il est impossible de comprendre le vote d’une telle résolution, c’est un mystère. Comment peut-on nier à ce point les liens entre le peuple juif et Jérusalem ? Encore une fois, c’est la haine d’Israël qui est à l’œuvre, comme souvent au sein des organisations internationales. Cette résolution est tout simplement absurde. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, avait dit que cela revenait à nier le lien entre la muraille de Chine et la Chine. C’est totalement inacceptable, incompréhensible, et inexplicable, autrement que par la haine d’Israël. La plupart des pays qui ont voté pour cette résolution et qui l’ont proposée ont une position si négative vis-à-vis d’Israël qu’ils n’agissent qu’à travers le prisme de la haine.

La Directrice générale de l’Unesco a reçu des menaces de mort après avoir émis des réserves sur le projet. Ce climat vous inquiète ?

C’est une méthode inacceptable. Il faut condamner fermement les personnes qui ont menacé la Directrice générale. Ce sont des individus dangereux, qui mettent en péril nos valeurs démocratiques et humaines. La position extrême d’avoir recours à la menace est un obstacle à la paix.

Est-on toujours dans une situation où, dans les instances internationales, sévit une majorité automatique contre Israël ? Ne craignez-vous pas la possibilité de nouvelles motions contre Israël à l’ONU ?

C’est une réalité aujourd’hui, et pas seulement à New York. Malheureusement, dans presque toutes les organisations internationales, les pays arabes, les pays musulmans et ceux qui les soutiennent ont la majorité. C’est le cas depuis la création d’Israël en 1948. Ce n’est donc pas un phénomène récent, mais une tendance qui existe depuis des décennies, et nous devons, au quotidien, affronter ces positions. En dépit de ce climat hostile, il faut toutefois préciser que ces vingt dernières années, Israël a renouvelé ou établi des relations diplomatiques avec plus de vingt pays. Nous entretenons ainsi aujourd’hui des relations diplomatiques avec cent huit pays dans le monde. C’est la preuve que, malgré cette atmosphère, malgré ce qui se passe dans les organisations internationales, Israël est accepté dans la communauté internationale. Nous pouvons être fiers de nous positionner comme la seule démocratie au Moyen-Orient, fiers des accomplissements d’Israël dans les secteurs économique et de la recherche et aussi des relations que nous entretenons avec beaucoup de pays dans ces domaines, ainsi que dans la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme.

La bataille contre Daesh en Irak et en Syrie s’intensifie. Comment Israël réagit-il à cette nouvelle situation dans son voisinage ?

Nous suivons bien sûr de près tous les développements de la situation au Moyen-Orient. Israël prend toutes les mesures nécessaires pour se défendre et assurer la sécurité de sa population, ce qui reste la priorité. Nous nous organisons pour affronter ces nouvelles menaces, le problème le plus immédiat étant les attentats terroristes commis par les Palestiniens sur le sol israélien. L’année dernière a été très difficile. Il y a eu beaucoup d’attentats au couteau, plus de 40 Israéliens ont été tués. C’est pour nous une menace proche et permanente. Une menace à laquelle il faut ajouter celle du Hamas dans la bande de Gaza, dont le comportement est très inquiétant. Après le conflit armé dans la bande de Gaza il y a deux ans, des roquettes sont encore tombées dans les territoires du sud d’Israël. Daesh se renforce aussi dans le Sinaï, ce qui nous amène à collaborer et entretenir de bonnes relations avec l’Égypte, en luttant contre la même menace. Cette coopération ouvre ainsi la perspective d’améliorer nos relations avec d’autres pays confrontés aux mêmes éléments extrêmes. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier la menace iranienne qui constitue toujours un réel danger, de même que ses protégés dans la région, notamment le Hezbollah.

Il y a eu des initiatives françaises, des initiatives russes, pour promouvoir un dialogue avec Abbas. Regrettez-vous que ces initiatives aient échoué ?

Pour Israël, la seule possibilité de faire avancer la paix, c’est à travers un dialogue direct. D’ailleurs le Premier ministre Benyamin Netanyahou appelle quotidiennement le président de l’Autorité palestinienne à venir s’asseoir à la table de négociations et commencer un dialogue direct. La dernière fois, cela s’est fait à l’ONU il y a quelques semaines. Le problème est que M. Abbas rejette systématiquement ces invitations et refuse de rencontrer Benyamin Netanyahou, que ce soit à Jérusalem, Ramallah, Paris ou ailleurs, parce qu’il a décidé il y a deux ans de passer par la communauté internationale ou les organisations internationales pour faire pression sur Israël au lieu de discuter directement. C’est pourtant ce qu’ont fait plusieurs personnalités politiques auparavant, comme Anouar El Sadate, il y a quarante ans, qui a signé la paix israélo-égyptienne, ou encore le roi Hussein qui a signé l’accord de paix entre Israël et la Jordanie. M. Abbas, malheureusement, refuse ce procédé de négociations directes. Il continue d’essayer de faire pression sur Israël à travers la communauté internationale. Et l’initiative française dont vous venez de parler a été rejetée par Benyamin Netanyahou pour cette raison. Parce que la position israélienne reste la même : lorsque l’on veut parvenir à la paix, cela doit se faire par un dialogue direct.

Dans les convulsions que vit aujourd’hui le Proche-Orient, il y a deux écoles, celle qui soutient que dans la situation actuelle, le conflit israélo-palestinien n’est plus central. Et l’autre, qui dit qu’au contraire, c’est l’occasion ou jamais de trouver un accord. De quelle école êtes-vous ?

Je suis de l’école de ceux qui veulent la paix. Pour nous, la paix reste une valeur très importante. Israël a montré qu’il était prêt à faire des concessions territoriales en faveur de ceux qui ont une réelle volonté de parvenir à la paix avec nous, comme cela s’est fait avec l’Égypte, avec la Jordanie, et même avec les Palestiniens pendant le processus d’Oslo. Certes, le Moyen-Orient n’est plus le même, la situation s’est détériorée ces dernières années : de nouvelles menaces ont pris forme, des acteurs problématiques sont entrés en jeu ; l’Iran continue de soutenir des organisations terroristes comme le Hezbollah ou le Hamas, et il y a d’autres éléments qui n’aspirent pas à la stabilité dans la région. Malgré tout cela, nous continuons de croire en la paix. Israël est prêt à faire des concessions pour y parvenir, mais il faut pour cela avoir en face un interlocuteur qui y croit aussi et veut réellement y arriver. Pour le moment, cet interlocuteur, M. Abbas, a rejeté les propositions qui lui ont été faites et ne semble donc pas être sérieusement intéressé par la paix.

Il y a en Europe, en particulier en France, le développement d’un terrorisme islamiste qui fait beaucoup de victimes. Avez-vous l’impression que l’opinion, de ce fait, est plus compréhensive au sort d’Israël ?

Oui tout à fait. Et c’est très triste qu’il ait fallu arriver à cette situation pour voir les événements et les contraintes israéliennes d’une autre façon en France. Aujourd’hui, on assiste à une meilleure compréhension de la population française, dans sa majorité, à l’égard de la situation en Israël. On peut aussi voir que la coopération dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme s’est renforcée entre Israël et la France, et entre Israël et les pays de l’Union européenne. Cela montre que lorsque l’on affronte les mêmes menaces, on est plus conscient de la situation, des comportements, des moyens qui sont pris en Israël. Il y a un certain changement qui s’opère dans les mentalités et la coopération s’en voit renforcée.

C’est visible autant dans l’opinion, chez le Français moyen, que dans la classe politique ?

Oui, je pense. Parce que les menaces sont les mêmes. Nous sommes des pays démocratiques, et la France, Israël, l’Union Européenne, affrontent les mêmes menaces de la part des mêmes éléments extrémistes. Alors il faut lutter ensemble, il faut coopérer contre ces menaces. Et c’est exactement ce qui est arrivé l’année dernière, à tous les niveaux, qu’il s’agisse de la classe politique, de la population ou des médias français qui couvrent maintenant Israël d’une manière différente que par le passé. On voit aussi que la population européenne, y compris en France, évolue plus à droite, et c’est exactement le même phénomène qui a été observé en Israël au cours de ces dernières années.

Manuel Valls avait annoncé devant vous, avant l’été, que pour le 70e anniversaire d’Israël, il y aurait une année France-Israël. Vous pensez que ce sera maintenu ?

Oui, bien sûr. Il s’agit des Années Croisées qui auront lieu en 2018 et dont le but est de renforcer nos relations dans les domaines, entre autres, de la culture, de la recherche et de l’éducation. Nous avons déjà commencé à préparer l’événement en Israël et en France. Nous avons hâte de mettre en place ce projet qui sera l’occasion de rapprocher nos pays encore davantage.