Un homme se penche sur son enfance et retrouve les émois du petit garçon qu’il était pendant la guerre au cœur de l’exode, de la rafle du Vel’ d’Hiv, de la douleur de la séparation de sa mère tant aimée et de l’aventure de la clandestinité chez un merveilleux savoyard qui l’a accueilli. Ce récit lumineux et plein d’humour est un formidable hymne à la vie. Rencontre avec Elie Pressmann, l’auteur de la pièce.
L’Arche : Qu’est-ce qui vous a motivé, aujourd’hui, à parler de votre enfance pendant la Seconde Guerre mondiale ?
Elie Pressmann : L’envie de retrouver cet enfant enfoui en moi et peut-être répondre à une demande inconsciente de mes filles et petits enfants. C’était quand même une sorte d’épopée que cette guerre, avec l’exode, puis le « Statut des Juifs » avec le port de l’étoile, couvre-feu,rafle du Vel’ d’Hiv », ligne de démarcation, clandestinité, et puis, par la suite, comment devenir adulte avec tous ces trésors et péripéties diverses, joyeuses et dramatiques.
Parlez-nous de cette rencontre avec Antoine Besson et de son influence sur vous ?
Cette rencontre a été merveilleuse dans cette période chaotique pour l’enfant de 10 ans que j’étais en janvier 43. Antoine Besson venait de prendre sa retraite de postier ambulant et était donc maître de son temps. Sa retraite était sans doute modeste mais il possédait un jardin potager, des vignes, des ruches. Par ailleurs, athée et socialiste de la première heure, cela lui semblait tout naturel de nous héberger, ma soeur aînée et moi. J’étais content de le savoir athée parce que moi non plus, je ne croyais plus tellement au Bon Dieu, avec tout ce qui m’arrivait. J’ai donc passé deux ans et demi auprès de lui. Il m’a initié au jardinage, à l’apiculture, au bricolage, à la menuiserie. Il était très habile de ses mains. Et surtout il m’ enseigné, par son exemple au quotidien, le métier d’Homme. Comment grandir et devenir un « Mensch » ! Après la guerre, nous sommes restés en contact, jusqu’à sa mort. Il a été très important pour moi. J’ai été très heureux de pouvoir le faire nommer « Juste parmi les nations » et de voir son nom gravé sur le mur de bronze dans l’allée des Justes de France.
Est-ce difficile de mêler le quotidien et l’imaginaire avec un tel sujet ?
Non. L’enfant que j’étais ne m’a jamais quitté. Et j’ai été heureux durant cette écriture, de retrouver les sensations et les émois de cette époque. Doublement heureux, dans la mesure où c’est moi-même qui interprète ce « Petit garçon ». Le travail d’acteur que j’ai fait avec l’aide de Catherine Hubeau m’a rendu très heureux. C’est une sorte d’aboutissement. Je suis très content de pouvoir le représenter trois fois au centre Rachi puis de le reprendre pour 30 représentations au théâtre Essaïon où je l’ai créé l’an passé.