Israel Horovitz écrit en 1996 une pièce de politique fiction traitant de la Shoah d’une façon imaginaire. Il réalise que cette pièce est faite pour la Compagnie Hercub avec laquelle il avait déjà réalisé deux spectacles.
Horovitz est un auteur extraordinaire. Sa première pièce est jouée à Boston, il a 17 ans et vit dans une petite ville du Massachusetts. Son père, chauffeur de camion, commence ses études de droit à 50 ans et exerce le métier d’avocat jusqu’à 80 ans avec une clientèle ouvrière. « L’exemple de mon père démontre que tout est possible. J’ai gagné moi-même l’argent de mes études et vendu à 30 ans deux scénarii de films dont un a obtenu le Prix du Jury à Cannes. » Il vit entre New York, Gloucester et Londres, passe du temps avec les comédiens et travaille sans relâche. Auteur de plus de 50 pièces, les prix obtenus sont nombreux. « Je pensais que j’étais un faux juif par rapport aux écrivains new-yorkais, j’étais sur une autre planète, mais j’écris sur ma vie juive. »
Bruno Rochette, Michel Burstin, Sylvie Rolland, adaptateurs et metteurs en scène : « La pièce est une fable sur la mémoire de la Shoah “loin d’être un point de détail” et le message humaniste et pacifiste du spectacle dépasse son contexte historique. Ce message, il est de plus en plus nécessaire de le délivrer. »
60 ans après la Shoah, le chancelier allemand Stroiber se réveille en sursaut, un projet fou en tête. Il annonce au monde, via les médias, qu’il invite six millions de juifs à venir vivre en Allemagne. « S’il vous plaît revenez chez vous ». Il veut créer l’espace vital, la Lebenstraum, selon la formule d’Hitler pour désigner une Allemagne cent pour cent aryenne. Onde de choc, les nazis se réveillent, les professeurs décident de faire enfin la lumière sur la Shoah, la planète terre est en effervescence.
Ils sont trois pour incarner 50 personnages, les juifs du monde entier, jeunes, vieux, sionistes, rabbins, chômeurs, homosexuels, syndicalistes, athées… Avec un rien, un détail, objet, vêtement, les comédiens deviennent des hommes, des femmes, passant de la violence à la politesse, de l’agressivité à l’amitié, de la haine à la tolérance. L’auteur manie l’humour noir et la loufoquerie avec adresse et intelligence. La gravité, la dérision se mêlent dans une action rapide, précise, où ça grince sur le sujet dramatique de la mémoire et de la responsabilité. Zylberstein raconte à Goldberg une histoire de deux juifs, « Si tu ris pas, tu pleures ». Rires et pleurs, c’est hilarant et tragique. Une Israélienne : « Si vous pensez qu’ils n’ont pas l’intention de massacrer encore six millions de juifs, vous êtes fous ! » L’utopie s’achève au dock n°6, la fin est magnifique.