Le film « Wedding Doll (Hatuna Meniyar) », réalisé par le documentariste israélien Nitzan Giady est une première incursion réussie dans le domaine de la fiction. Ce film a été diffusé et récompensé de plusieurs prix dans les festivals internationaux tels que le Jérusalem Film Festival, le Festival de Londres ou encore le Tiff 40 de Toronto. Dans cet étonnant portrait d’une mère et de sa fille, le réalisateur révèle une facette sensible du cinéma israélien contemporain, ainsi qu’une jeune actrice remarquable : Moran Rossenblatt.
Sarah (Assi Levy) et sa fille Hargit (Moran Rossenblatt) vivent toutes les deux dans la petite ville de Mitzpe Ramon dans le désert du Néguev. Hargit est une jeune femme qui souffre de légers troubles mentaux. Elle travaille dans une usine de papier toilette et essaie de gagner une difficile indépendance vis-à-vis de sa mère aimante, mais inquiète. Hargit se fascine pour les robes et les images d’un mariage fantasmé qu’elle recrée par des poupées bricolées en carton et papier toilette. Alors qu’Omri (Roy Assaf) le fils du propriétaire de la fabrique s’éprend d’elle, Hargit fait tout pour cacher la vérité à sa mère.
Le film explore la relation touchante entre une mère et sa fille superbement incarnée par les deux actrices. Ce lien est toujours tendre et ne vient jamais tomber dans le sordide ou le pathétique. Moran Rossenblatt s’approprie totalement le personnage d’Hargit pour créer une saisissante et prodigieuse performance. Son sourire illumine l’écran et exprime à lui tout seul bien des mots.
Le réalisateur prend pour décor de cette histoire les somptueux paysages naturels du désert du Néguev. Ce qui frappe dès les premières images c’est cette beauté silencieuse et la force qui s’en dégagent. Cette nature, à la fois majestueuse et silencieuse, suggère au spectateur à la fois le respect et un sentiment de contemplation. Nitzn Giady s’est inspiré de ces lieux, lors de son service militaire, alors qu’il devait animer des stages de formations artistiques pour des jeunes. L’utilisation du grand angle pour filmer les canyons vient faire contraste avec la réalité des intérieurs comme ceux de la petite usine, ou la chambre exigüe d’Hargit.
« Wedding Doll » est un film qui se concentre sur la différence de l’autre et sur la manière dont certaines personnes appréhendent cette différence. Parfois, c’est la gêne, la cruauté ou le leurre qui se manifestent envers le handicap mental d’Hargit, quand à d’autres moments c’est la bonté et l’engagement qui viennent l’entourer. Mais le handicap ne se trouve pas toujours là où on peut l’attendre. La non-communication entre les êtres, comme celle du père d’Hargit absent ; ou celle de son frère qui vit juste à côté mais qui ne vient jamais s’en occuper d’elle. Ce dernier semble soudain réaliser l’importance de sa sœur lorsqu’elle porte et berce tendrement sa fille.
Il y aussi le personnage intriguant d’Omri (Roy Assaf), le fils du patron de l’usine qui souhaite continuer l’affaire de son père et qui ne semble pas comprendre les intentions de sa famille. Il existe un certain flottement chez cet homme qui préfère écouter sa musique au casque toute la journée, quand il ne vient pas fixer le cratère Makhtesh Ramon à la tombée de la nuit. On ressent chez lui une envie, un peu vaine, de s’extraire du réel ou d’être à la marge des autres, bien que demeurant soumis à eux.
Les événements vont venir le dépasser. Qu’est ce qui l’attire vers Hagrit au-delà de sa beauté ? Est-ce son innocence ? Le film n’apporte aucune réponse, mais laisse en suspens cet état des choses entre les êtres. C’est un sentiment général de déconnection qui plane tout du long de « Wedding Doll », et que Nitzan Giady explique avoir ressenti lors de son passage à Mizpe Ramon: « J’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour les gens qui vivaient dans ce lieu, en raison de leurs perspectives limitées. Je savais qu’un jour je reviendrais et que je tournerais un film ici. Je raconterais l’histoire de ces gens qui vivent dans un endroit magnifique mais isolé de tout. ».