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France

Réactions suite au premier tour

Jonathan Hayoun, le réalisateur du documentaire “Sauver Auschwitz” a voté Macron dès le premier tour. Ce matin, il reste inquiet, son humeur est loin d’être à la fête. La présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle sonne comme une alerte et au regard de la teneur des débats depuis hier soir : la victoire de son candidat, si probable soit-elle, reste tout de même tenue à un front républicain plus incertain que jamais.

Comment qualifier les résultats de ce premier tour de l’élection présidentielle ?

La victoire sur l’extrême droite n’est jamais acquise. Un vote “contre”, fort, assumé, doit se manifester. A défaut d’avoir suffisamment lutter contre la banalisation de l’extrême droite au second tour, il faut à tout prix empêcher un score du FN plus élevé qu’en 2002.

Deux choses m’ont marqué :

  1. Le contraste de la “Une” du journal Libération ce matin, comparée à celle de 2002  au lendemain du premier tour du scrutin. En 2002, c’était un grand “NON”. Ce matin, le titre est “Macron à une marche de la victoire”. Il faudra pourtant plus d’une marche pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Il va falloir une grande mobilisation et il faut investir les mobilisations déjà initiées pour faire barrage à Le Pen. C’est important. Hier soir, la place de la Bastille a été investie par des mouvements qui pourraient laisser supposer un “Ni Ni”. C’est problématique.

  2. En ce jour particulier de Yom Hashoah, nous assistons à une “drôle” de commémoration”, avec un FN au second tour et un sursaut républicain en recul. C’est une journée partagée entre commémorations et mobilisation. Parce que malheureusement, on ne peut pas avoir la prétention de se dire que nous avons évité l’extrême droite au pouvoir. Les quinze jours qui viennent s’annoncent bizarrement. Aujourd’hui, nous commémorons Yom Hashoah et un parti fondé par un homme qui a remis en cause les chambres à gaz, porté par une femme qui joue sur l’ambiguïté quant à la responsabilité du rôle de la France dans la rafle du Vél d’Hiv’, qui s’est affichée avec des pangermanistes et des antisémites notoires à Vienne, il y a quelques années, est aux portes du pouvoir. C’est troublant.

Que répondre aux indécis qui hésitent encore entre les deux ?

Emmanuel Macron ou Marine Le Pen sont deux solutions qui ne se valent pas. L’un garantit les principes républicains et de la démocratie et l’autre non. L’un garantit le respect des libertés fondamentales malgré tout, l’autre non, aussi maquillée soit-elle. Il n’y a pas débat. Il n’y a pas deux solutions mais une. Ceux qui veulent se mettre en danger sont très inquiétants et dangereux. Il est étrange de devoir argumenter depuis hier soir sur quelque chose qui devrait être classique et évident, puisqu’il y a avec le Fn une mise en danger profonde des grands acquis démocratiques. Quand on est républicain, il n’y a pas de débat à avoir. Certains attendent d’être convaincus pour aller voter, alors que normalement, face à l’extrême droite, l’argumentaire est simple : lorsque l’on  est attaché à la France, on ne doit pas tergiverser. Macron reste le candidat républicain de ce second tour, donc le garant de la démocratie face à l’extrême droite. Aujourd’hui, c’est lui qui incarne cela. Il est plus qu’ étonnant depuis hier soir de voir les responsables de partis supposés républicains ne pas appeler à voter contre le Front national.”

Jordan Jablonka est, quant à lui, engagé à l’UMP depuis 2008. Passé depuis aux Républicains, il a soutenu Nicolas Sarkozy en 2012 puis Jean-François Copé aux primaires en tant que responsable national des Jeunes de la campagne, puis Fillon, avant d’appeler à son retrait. Pour lui, dorénavant, entre le Front national et Macron, le choix est clair, il a appelé dès l’annonce des résultats à voter pour le candidat d’En Marche.

Quelles sont les motivations profondes de votre appel à voter Emmanuel Macron au second tour ?

“Jean-François Copé était le candidat qui correspondait à mes convictions. Il incarnait une droite libérale économiquement, qui encourage l’autorité de l’Etat, moderne et ouverte sur le monde, aux nouvelles technologies et à l’entreprenariat. Après la défaite prévisible et qui s’explique par le phénomène regrettable du vote utile (93% des suffrages se sont reportés sur un ancien président de la République et deux anciens premiers ministres), j’ai intégré par esprit de rassemblement et d’unité de ma famille politique l’équipe de campagne en tant que vice-président des jeunes avec Fillon. Quand les « affaires » ont éclaté, mais surtout quand Fillon a parlé d’instrumentalisation de la justice, j’ai appelé à son retrait et ai démissionné de mes fonctions. J’aurais vraiment souhaité qu’un autre candidat puisse nous représenter pour espérer gagner la présidentielle. Ce ne fut pas le choix de notre candidat, je l’ai amèrement regretté. A la veille du 1er tour, j’ai fait part de mon intention de voter François Fillon. Ce n’était plus pour l’homme (malgré l’esprit de la Vème République) mais pour l’espoir que j’avais que le prochain quinquennat soit celui de la Réforme.

Entre Fillon et Macron, je vois une différence de taille. Fillon aurait eu une majorité de droite sans faille prête aux changements annoncés, Macron aurait une majorité fragile, timorée, sans véritable cohérence idéologique. Les résultats du 1er tour révèlent – comme le prédisaient les sondages – que les Français n’en peuvent plus des « affaires » (sauf lorsqu’il s’agit du FN), que c’est devenu le facteur déterminant de leur suffrage. Depuis le 23 avril au soir, il faut choisir entre Macron et Le Pen. Evidemment, que le nom de Le Pen me donne des boutons, compte tenu de l’historique du FN, des combats menés par Jean-Marie Le Pen et de la continuité qu’a souhaité incarner Marine Le Pen. Mais si je choisis sans hésiter de voter Macron, c’est aussi car je suis bien plus proche du programme économique et social de celui-ci que des propositions de sortie de l’UE, de préférence nationale, de la retraite à 60 ans et des discours aux sous-entendus tendancieux. Je ne crois pas que Macron pourra appliquer son programme de réforme (et je le regrette) mais je préfère dans le pire des cas du quasi-immobilisme hollandiste que de l’outrance frontiste.

Propos recueillis par Aline Le Bail-Kremer