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Littérature

Un texte inédit d’Elie Wiesel avec Ariel Wizman, Bernard Kouchner, Bernard-Henri Lévy

Un événement discret mais important avait lieu mardi soir, au Théâtre du Gymnase, à Paris. Sous l’égide de l’Institut Elie Wiesel, l’une des pièces, inédite, de l’auteur de La Nuit, a été lue devant un parterre attentif et ému, pour un hommage à l’approche de la date commémorative de sa disparition, le 2 juillet 2016.

Pour transmettre la version scénique du texte du professeur Wiesel, avaient été réunis, par Guila Clara Kessous,  Bernard Kouchner, Bernard-Henri Lévy, Ariel Wizman, Dominique Pinon, Michael Lonsdale, Timothé Vom Dorp, pour prêter leurs voix aux personnages d’ “Une Houpa noire. Sous un ciel d’étoiles noires”, un texte écrit en 1968, pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie, à New York au 92Y Center. A l’époque et jusqu’à aujourd’hui, ce texte ne trouva pas d’éditeur, comme plusieurs autres pièces d’Elie Wiesel, ce qui constitue parmi les plus mystérieuses injustices littéraires ou erreurs absolues de moult maisons d’édition.

Les lecteurs rassemblés dans la salle du petit Gymnase et accompagnés de la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et du violoniste Ivry Gitlis, ont “tous ont connu Elie et il les chérissait profondément”, a confié Marion Wiesel, dont le message fut lu en introduction de cet hommage collectif réparateur. Touchée par la présence du tout jeune acteur, Timothé Vom Dorp, elle s’est dit bouleversée par cette réunion de toutes les générations, “de 10 à 94 ans pour faire résonner les mots d’Elie Wiesel”.

A peine commencée, la lecture fut suspendue pour permettre à Ivry Gitlis et son violon d’offrir quelques notes de klezmer mélancolique et le souvenir de sa première lecture de La Nuit. La pièce reprit, enchantée de cet intermède inattendu et poétique, déroulant l’histoire de ce conte tragique, narré par l’immense Michael Lonsdale :

«Nous sommes au début des années 1943. Quelque part dans un ghetto polonais; un bunker souterrain. Une lampe pendue au plafond répand une lumière terne et poussiéreuse. Dans cette lumière, on devine des Juifs effrayés plus qu’on ne les voit. Seuls Mendel et Sarah, un jeune couple, sont immédiatement visibles. Mais sur le côté, appuyé contre un mur, on devine le Magid. Mendel et Sarah sont assis sur un banc en bois devant une table en bois, essayant de ne pas se regarder. Mendel ne cesse de regarder sa montre; Sarah se mord les lèvres, comme pour s’empêcher de parler.»

Les voix des lecteurs furent justes, intenses, bienveillantes. De ces mots, de ces rôles symboles qu’il ne s’agissait pas d’incarner mais de porter sobrement pour témoigner de l’humanité d’un Mendel pour Ariel Wizman, du courage d’un David pour Bernard Kouchner, de l’érudition d’un Magid pour Bernard-Henri Lévy, de l’inquiétude d’une Sarah pour Guila Clara Kessous, du respect d’un Misha pour Dominique Pinon, et de la fulgurance de ce jeune garçon “qui ne connaît pas son nom et qui a peur de le découvrir”, emmené par Timothé Vom Dorp, particulièrement émouvant dans un échange magnifique avec BHL : “Pour montrer au monde. Pour entrer dans l’histoire. Pour montrer à Dieu lui-même que nous, les Juifs, refusons de perdre foi en nous.” L’hommage s’est conclu par un violoncelle, celui de Sonia Wieder-Atherton.

Aline Le Bail-Kremer