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France

Agnès Buzyn : « Elle m’a donné le goût de la chose publique »

L’Arche ; Vous occupez aujourd’hui le même poste que Simone Veil au ministère de la Santé, et vous avez dit que c’était pour vous une forme de « passage de relais ». Dans quel sens ?

Agnès Buzyn : Simone Veil, que j’ai rencontrée lorsque j’avais 21 ans et étais étudiante en médecine, m’a donné le goût de la « chose publique » et donc de la politique au sens le plus noble du terme. Je l’ai vue fonctionner à l’époque, notamment dans sa façon de garder un cap et de rester fidèle à ses valeurs. Après une carrière professionnelle très riche à l’hôpital, puis comme responsable d’institutions sanitaires et scientifiques publiques, j’arrive dans ce ministère au moment où Simone Veil nous quitte. Je l’ai vu comme un signe ou un message, d’où le terme de « passage de relais ».

Dans les combats qu’elle a menés, quels sont ceux qui vous touchent le plus ?

Je commencerai par celui de la réconciliation européenne qui était probablement le plus profondément ancré dans son vécu. À l’heure où les citoyens s’interrogent sur le rôle de l’Europe, il convient de rappeler le message fondamental de réconciliation, de confiance dans un avenir commun, garantie de la paix pour nos enfants. Ensuite, bien sûr, le combat pour le droit à l’IVG. Je retiens, en tant que ministre de la Santé, que quelles que soient ses convictions en faveur des droits des femmes, elle a mené ce combat à l’assemblée sur l’argument sanitaire, rappelant le désastre sanitaire et humain qu’entraînaient les avortements clandestins. Et au fond, au-delà des principes féministes, elle s’est battue à l’Assemblée en rappelant le vécu épouvantable de ces femmes et en amenant le débat sur des questions humanitaires. Dans cette assemblée d’hommes, c’est grâce à cette stratégie qu’elle l’a emporté.

 

Vous dites qu’elle a été très proche des siens, de sa famille et qu’elle était en même temps d’une grande pudeur. Était-ce un trait de caractère ou est-ce dû au parcours qui fut le sien et aux épreuves qu’elle a traversées ?

Probablement les deux. La pudeur était une caractéristique de l’éducation familiale, et son vécu, comme pour tous les anciens déportés, était difficile à partager. D’où une forme permanente de retenue…

 

Agnès Buzyn est ministre des Solidarités et de la Santé.