La nouvelle commissaire de la Saison France-Israël veut faire dialoguer les artistes, les scientifiques et les chercheurs.
L’Arche : Pouvez-vous nous dire quel a été votre parcours avant d’être nommée Commissaire de la saison croisée France-Israël qui s’ouvre en juin prochain ?
Cécile Caillou-Robert : Je suis originaire du sud de la France où j’ai fait mes études, à Nice puis à l’École des hautes études en sciences sociales à Marseille. J’ai ensuite débuté ma vie professionnelle comme bibliothécaire en région parisienne et très tôt j’ai souhaité partir à l’étranger et en particulier dans le bassin méditerranéen. C’est ainsi que j’ai effectué une première mission à Jérusalem en 2000 au moment de la création du Centre Romain Gary. Ensuite, le ministère des Affaires étrangères m’a confié des responsabilités au Liban entre 2001 et 2005, puis en Tunisie jusqu’en 2008.
De retour en France, j’ai dirigé pendant trois ans l’Agence régionale du Centre pour le livre et la lecture, avant de repartir à Jérusalem et de prendre la direction de l’Institut français-Romain Gary en 2011, Institut à la création duquel j’avais donc contribué onze ans plus tôt. Entre 2015 et 2017, j’ai été directrice déléguée de l’Institut français en Bosnie-Herzégovine où j’ai découvert Sarajevo et les Balkans, un univers bien passionnant que j’ai néanmoins quitté pour devenir la nouvelle commissaire de la Saison France-Israël qui débutera en juin 2018.
Vous avez dirigé le Centre Romain Gary à Jérusalem. Quels souvenirs en gardez-vous ? Et que symbolisent pour vous la figure et l’œuvre de cet écrivain ?
Je garde un très bon souvenir du Centre Romain Gary et de ma vie à Jérusalem, c’est une expérience marquante, au cours de laquelle j’ai fait de belles rencontres personnelles et professionnelles. Les acteurs culturels à Jérusalem sont très engagés et contribuent grandement au dynamisme de la vie culturelle. La scène artistique contemporaine est bien présente, même si le public a des sensibilités et des préoccupations assez différentes de celles du public des autres villes du pays, je pense en particulier à Tel Aviv.
À cette époque, j’ai notamment travaillé avec le Festival d’Israël qui offre chaque année une programmation internationale de grande qualité dans les domaines de la danse, du théâtre et de la musique. En partenariat avec ce Festival, nous avions organisé en 2014 un Banquet philosophique sur le thème de l’amour, en écho à la première Nuit de la philosophie qui était présentée par l’Institut français d’Israël à Tel Aviv. Tous les mois, en collaboration avec la Cinémathèque de Jérusalem, nous avions aussi un rendez-vous autour du cinéma français. Je garde un souvenir vraiment ému de la Fondatrice et Présidente de la Cinémathèque de Jérusalem, Lia Van Leer, une personnalité exceptionnelle que je rencontrais régulièrement et qui nous a quittés en mars 2015.
Romain Gary a souvent guidé mes choix de programmation pendant cette période. Je croisais chaque jour son regard perçant, à travers le portrait qui faisait face à mon bureau. Il était une source d’inspiration dans es moments d’euphorie et un réconfort dans les instants difficiles. Romain Gary s’inscrit dans la lignée des écrivains-diplomates qui serait née avec Chateaubriand, auteur notamment de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem. Pour moi, il est d’abord un grand écrivain, toujours en quête de dépassement, un écrivain dont l’œuvre fut nourrie par une vie mouvementée et un engagement au service des autres, une œuvre qui mêle admirablement le dramatique et l’humour. Je crois d’ailleurs que Romain Gary disait que l’humour de ses livres était un humour juif et qu’il tenait cette sensibilité, profondément ancrée, de sa mère.
En 2014, en préparant le centenaire de sa naissance, j’ai rencontré un peintre israélien, Ilan Itach, qui avait été bouleversé par la lecture de l’Angoisse du roi Salomon, le dernier livre de Gary, publié sous le pseudonyme d’Émile Ajar. Il m’avait proposé de réaliser une exposition inspirée de cette œuvre. J’ai aimé l’idée et son travail. Ensemble, nous avons monté cette exposition, des encres sur bois qui restituent tout l’univers et l’émotion du roman. C’est un de mes meilleurs souvenirs en tant que directrice de l’Institut Romain Gary. Ce roman, traduit en hébreu, est assez connu en Israël. Pour ma part, je l’aime beaucoup parce qu’il est profondément humaniste, qu’il parle d’altruisme et de pardon.
Comment abordez-vous cette saison qui coïncide avec les soixante-dix ans de l’État d’Israël ? Quels en seront les temps forts et quelle place sera dévolue à la culture et à l’innovation ?
Vous avez raison de souligner que 2018 marque le 70e anniversaire de la création de l’État d’Israël, création que la France a soutenue. En 2018, c’est donc l’histoire mais surtout l’avenir d’une relation bilatérale dynamique, et profondément tournée vers l’innovation, qui sera célébré par la Saison France-Israël. Cette saison aura pour objectif de resserrer les liens entre nos deux pays, des liens qui ont toujours été étroits et qui se sont renforcés au fil du temps. L’enjeu sera aussi de faire découvrir des volets parfois méconnus de nos cultures contemporaines respectives. Organisée simultanément en France et en Israël entre juin et novembre 2018, elle aura vocation à faire dialoguer les artistes, les scientifiques, les chercheurs mais aussi les entrepreneurs du présent.
À ce stade, les temps forts sont encore à l’étude et je ne peux rien vous dévoiler. Je peux seulement vous dire que la programmation dans les deux pays est construite et décidée conjointement par les parties israélienne et française et qu’une excellente entente règne entre nos équipes. La Saison France-Israël comporte un volet culturel et artistique contemporain et très ambitieux. Elle se décline également à travers un volet scientifique et de recherche qui célébrera l’excellence de notre coopération dans ce domaine, ainsi qu’à travers un volet économique, en particulier sur les sujets d’innovation, qui aura pour ambition de créer de nouvelles opportunités.
Le Salon du livre consacré à Israël il y a quelques années à Paris avait été un beau succès en terme de qualité et d’audience. Escomptez-vous la même chose pour la saison croisée ?
Il reste sept mois avant l’ouverture de cette Saison, pour laquelle nous avons une réelle ambition. Tous ensemble, les équipes de l’Institut français, de l’ambassade d’Israël en France, de l’ambassade de France en Israël et des ministères concernés, nous sommes mobilisés pour faire de cet événement un grand succès, bien au-delà de l’année 2018. Nous voulons mettre en lumière et en mouvement les forces créatrices de nos deux sociétés. Ancrée dans l’actualité, cette saison vise, je le rappelle, à poser les jalons de relations futures et pérennes, encore plus intimes qu’elles ne sont aujourd’hui.