La commémoration de l’attentat de Pittsburg  |  Israël terre de tourisme !  |  Le monde change. L’Arche aussi. L’édito de Paule-Henriette Lévy  | 
Arts

Jephta, ou la promesse d’un juge d’Israël, à l’Opéra de Paris

 

Jephta est l’une des dernières oeuvres de Georg Friedrich Haendel, surnommé en son temps “le saxon”. Écrit en 1751 alors que son auteur souffre d’un affaiblissement grave de la vue, cet opéra est également une vraie rareté.

Il s’agit d’un oratorio, inspiré d’un sujet biblique – Le livre des Juges -, qui fut présenté pour la première fois en concert sans décors ni costumes, selon la règle du genre et les lois de l’époque quant au traitement du religieux à Londres en 1752, et qui n’avait pas été donné à l’Opéra de Paris depuis 1959.

Avec une partition centrée sur les monologues introspectifs des personnages et les interventions magistrales du coeur, la mise en scène relève intrinsèquement du défi théâtral.

N’en restait pas moins comme source d’inspiration à l’artisan scénique, les ressorts principaux de l’histoire  : un dilemme absolu, la contradiction déchirante entre l’amour d’un père et l’amour de Dieu.

En voici le synopsis : le peuple d’israël, sous le joug de voisins ennemis et pour arracher une victoire vitale, doit se trouver un chef militaire. Le seul bon candidat au poste est Jephta, pourtant banni 18 ans auparavant de la communauté, issu de l’union de Galaad et d’une prostituée. Rappelé auprès des siens du désert dans lequel il a du grandir en exil, Jephta accepte à quelques conditions, notamment celle de garder ses fonctions plusieurs années après les combats. Ivre de sa nouvelle mission et voulant s’attirer les faveurs du Tout-puissant, il déclame une promesse à l’attention de ce dernier : celle de lui sacrifier la première personne qui viendra à sa rencontre après les batailles. La victime de ce serment spontané et irréfléchi sera sa fille, Iphis, avant le dernier chapitre du texte.

“It must be so”. “Il doit en être ainsi”. Les lettres de cette phrase apparaissent, mobiles sur scènes, de façon récurrente tout au long des 3 actes.

Cette parabole biblique chargée d’affects, touche aux tréfonds humanistes et le coeur d’un conflit universel : en cherchant sa place dans la société, un homme fait fausse route.

A la fois sombre et optimiste, et prenant quelques libertés avec le manuscrit originel, Jephta est une merveille baroque, en langue anglaise, traitant de la question du débat intérieur, de la soumission à dieu, de choix cornéliens, proposée ici dans une mise en scène aussi rugueuse qu’ inventive, aussi brutale que poétique, fidèle aux nuances du livret.

Parmi les voix si justement écorchées soutenant la tension dramatique et les déboires des protagonistes, la contralto canadienne, Marie-Nicole Lemieux dans le rôle de Storgé, l’épouse du rôle titre, conquiert tous les honneurs acoustiques de la salle du Palais Garnier.

Entre malheurs et lumières, ce Jephta « disruptif » se devait de nous tenir en haleine.

Aline Le Bail-Kremer

 

 

Jephta, de Georg Friedrich Haendel

Opéra Garnier, jusqu’au 30 janvier 2018

Mise en scène : Claus Guth
Direction musicale : William Christie
Distribution/
Rôle titre : Ian Bostridge
Storgé ; Marie-Nicole Lemieux
Iphis : Katherine Watson
Hamor : Tim Mead
Zebul : Philippe Sly
Angel : Valer Sabadus
Crédits photos : Monika Rittershaus – Opéra national de Paris