« Le succès a beaucoup de pères, l’échec est orphelin. » Cette citation ouvre le dernier livre de Popeck, De qui tu tiens ce don-là ? et son spectacle s’intitule Même pas mort, à la grande joie de ses nombreux fans, du grand-père au petit-fils. C’est avec tendresse et rire qu’ils accueillent le traditionnel : « On est pas des sauvages tout de même ! »
De son nom Judka Herpstu, père roumain, mère polonaise morte à Auschwitz, ensuite Jean Herbert, son pseudo d’artiste, il décide après sa prestation dans L’idiot de Dostoïevski, en 1968, de devenir Popeck en costume noir et chapeau melon. Il avait amusé le public pendant l’entracte en imitant son père et un de ses anciens patrons. Il devient ce bonhomme râleur à l’accent yiddish, rusé et naïf, agressif, misogyne au 2e degré et surprend constamment avec de nouveaux sketchs et les anciens, indémodables, que le spectateur, connaisseur, attend avec impatience : « Dieu soit loué et toujours à un prix raisonnable ! », Le dîner chez Maxims : « Apportez-moi le vainqueur pas le vaincu », le homard ayant perdu une pince au cours d’une bataille dans l’aquarium. Son accent inénarrable a pris son envol dans les années soixante, au théâtre de l’Atelier, encouragé par Charles Denner et Michel Beaune, dans un sketch écrit en dix minutes et applaudi par le tout-Paris artistique.
« En 1995, grève générale et moi je remplis le Casino de Paris. J’arrivais à pied de Levallois. Les Parisiens et banlieusards à pieds ou à vélo. En 1992, au Palais des Congrès, Gilbert Rozon, créateur du festival Juste pour rire déclare : ”Bravo pour avoir insufflé une ambiance de chaumière au Palais des Congrès. Nous sommes fiers d’être associé à vous”. Cette année, avant le spectacle, je suis passé chez Ardisson à Salut les Terriens, les spectateurs se sont levés pour moi. » Immense artiste à la courtoisie raffinée, l’un des premiers à avoir inventé le stand-up, Popeck est d’une modestie incroyable, étonné d’être reçu à la télévision, étonné d’attirer autant de public, ne réalisant pas qu’il est l’égal des plus grands. Il se remet en question et comme Cyrano : « Je ne suis peut-être pas arrivé très haut mais j’y suis arrivé seul ».
Enfant de l’OSE où il a connu de nombreux futurs artistes, il insiste sur l’importance de cette formidable institution « qui a vu le jour en Russie en 1912, ce que l’on oublie trop souvent, à laquelle je dois tellement. Plus tard, je me suis aperçu que bien des artistes sont des animaux étranges qui ont besoin de se sentir protégés par leur entourage. » Dans l’émission La Case en plus, sur Canal, Alevêque, imitant l’accent de Popeck, a dit : « Pourquoi Popeck fait le même personnage depuis quatre décennies : ”parce qu’il y a plus de gens qui ne m’ont pas vu que de gens qui m’ont déjà vu”». Popeck trouve que le rire n’est plus le même. « On n’ose pas rire. Une spectatrice à son petit-fils : ”Ne ris pas comme ça, le monsieur va se vexer”. René Simon, que ses élèves du cours dramatique appelaient religieusement « Patron », déclarait « faire rire sainement est un don de Dieu, la joie est la santé du coeur. »
C’est une évidence, le public adore le petit juif ashkénaze à l’accent yiddish qui en réalité parle un français parfait. Il a fait 36 métiers avant de gagner sa vie sur scène, dont la vente des fameux caleçons molletonnés. Ils lui ont inspiré des sketchs qui n’ont jamais vieilli.
« Il faut avoir de la chance dans la vie. Certains la rencontrent le jour où il gagne au Loto. Ma chance à moi c’est d’avoir porté une étoile. Non pas celle qu’une concierge a cousue sur ma veste lorsque j’avais six ans ! Mais celle qui brille au-dessus de ma tête, celle qui permet de vivre un rêve. Je sais au fond de moi que le drame est inscrit au cœur de mon destin d’amuseur, en chapeau et redingote. Ce drame, bien sûr, c’est celui de ma mère Esther…»
Popeck n’oublie pas l’OSE, il est très concerné par le judaïsme, invité au salon du B’nai Brith, respectueux de la religion bien que ne la pratiquant pas. « En tant qu’homme, je suis juif au sens culturel du terme, fait de cette pâte née dans les ghettos de l’Europe centrale… Popeck ronchonne avec l’accent yiddish. Mais d’autre part, en tant que personnage, il appartient à une autre grande tradition, la tradition parisienne et française. » Le public rit aux larmes pendant plus d’une heure devant le petit bonhomme qui tutoie l’Eternel, dans la chaleureuse petite salle où se crée une vraie intimité entre l’artiste et son public. « J’apporte le bonheur ».