Tel est l’un des aphorismes de Rabbi Menahem Mendel de Kotzk (1787-1859) que le volume bref et essentiel, publié par Catherine Chalier, avec une sélection de textes et une éclairante introduction, offre à méditer. Il s’agit d’une invitation à entendre cette figure mystérieuse et marquante du dix-neuvième siècle dont les vingt dernières années de sa vie ont été passées en reclus et dont la pensée nous est parvenue par les notes recueillies par ses disciples.
Né dans une famille d’opposants au hassidisme, le rabbi de Kotzk en a développé une veine singulière, dirigée vers l’étude de la Torah et du Talmud, après en avoir trouvé cette modulation chez un disciple du fameux Voyant de Lublin et avoir créé sa propre école. Cette aspiration à l’effacement, à l’humilité et au silence résonne dans nombre de ses écrits : « Le monde croit que le juste est celui qui cache sa justice et ses actes bons aux yeux des autres, en vérité, le juste caché est celui dont la justice disparaît et se trouve cachée également à ses propres yeux. »
A l’un des élèves venu lui demander d’étudier sous sa direction, et se flattant de sa connaissance de la loi, il rétorque : « et que le Talmud t’a-t-il appris sur toi-même ? » Pour autant son hassidisme t n’est pas seulement centré vers la prière ou une ivresse mystique. Certes, on trouve chez lui des invitations à une exaltation religieuse comme dans cette formulation aux échos hassidiques plus marqués : « La joie est la propagation de la sainteté», mais c’est l’effort intellectuel qui est le gage de cette élévation. Dans son interprétation du verset du Deutéronome lors du don de la Torah: « Et la montagne était embrassée de feux qui s’élevaient jusqu’aux cieux. » (Dt 4 :11), l’étude consume et transforme : « La montagne brûla jusque les cœurs deviennent des cieux. ». L’étude se fait feu et, ainsi que le décrit si justement Catherine Chalier, le hassidisme « tragique ».