Magique. C’est l’adjectif qui vient immédiatement à l’esprit quand Idan Raichel s’asseoit au piano et commence à jouer. D’emblée, il est clair que nous allons assister à une prestation de haut vol. Sur la scène dépouillée de La Cigale, avec pour seul effet de décor un jeu de lumières subtil mettant parfaitement en valeur la formation minimaliste voulue par Raichel (piano, batterie, basse/oud), Idan et ses acolytes ont enchanté le public par leurs interprétations inspirées de quelques uns de leurs succès.
Même quelqu’un qui ne connaît pas les chansons du Idan Raichel Project ne peut que tomber sous le charme. Pianiste, chanteur et arrangeur talentueux, porteur d’un projet qui rassemble depuis dix ans plus de 90 chanteurs âgés de 16 à 91 ans rencontrés en Israël et ailleurs, ce garçon est un magicien du son. Le multiculturalisme israélien est son instrument favori ; sa curiosité pour l’autre le pousse sans cesse à voyager pour trouver des partenariats musicaux a priori disparates mais au final savoureux, des voix issues d’ailleurs. Il a apporté à la scène israélienne un souffle nouveau, respectueux des bagages culturels de toutes ces ethnies venues peupler Israël. Chacun de ses albums est un miracle ; chacun de ses concerts à l’étranger en est un autre, comme il le dit lui-même ce soir-là. Il nous remercie d’avoir honoré ce rendez-vous. Il lit un mot préparé en français mais passe vite à l’anglais. Peu importe : il est là, c’est l’essentiel. La Cigale est remplie de fans qui suivent sa carrière depuis le début. Idan est de bonne humeur, alors il parle. Il nous raconte pourquoi il a coupé ses dread-locks (« because my lady told me so ». « In Israel we say, if a man is not afraid of his wife, he’s not a real macho.”). Surtout, il chante.
Chanter, enchanter. Conquis par ces mélodies, cette douceur qui alterne savamment avec des airs plus rythmés. « Boi », « Mimaamakim », « Chéériot chel Hakhaïm », « Im telekh »… Idan commence seul, puis le batteur et le bassiste, juste parfaits, le rejoignent, et la musique prend de l’ampleur. Il nous parle de son dernier album, « Réva léchech », sorti en 2013, de comment il est allé enregistrer une chanteuse portugaise, Ana Moura, et nous propose une expérience : il ouvre son ordinateur et la voix s’élève, magnifique, chante en hébreu et en portugais, accompagnée d’Idan et de ses musiciens. Puis il accueille sur scène Cabra Casey, sublime chanteuse éthiopienne née dans un camp de réfugiés au Soudan. Sa présence scénique est forte, envoûtante. Elle apporte une féminité resplendissante dans cet écrin masculin, dans l’écrin de La Cigale. Elle est une perle révélée par Idan Raichel. C’est une belle surprise pour le public. Elle chante en amharik, en hébreu.
Idan rouvre son ordinateur et nous présente la chanson enregistrée en Grèce avec le Malien Vieux Farka Touré, « Mon Amour ». La voix est d’une douceur infinie. Une musique aux couleurs du monde, des artistes doués et généreux. On voudrait que ça ne finisse jamais. Ils auront réchauffé Paris le temps d’un soir. On s’en arrache à grand-peine, comme envoûtés.