La semaine dernière, plus d’une centaine de roquettes ont été tirées depuis Gaza en direction du sud d’Israël. Sdérot, la ville la plus proche de la Bande de Gaza, à seulement deux kilomètres et demi de la frontière, est l’une des zones les plus touchées par les tirs. Ori Meiri est directeur d’une usine située dans l’agglomération, Tapugan, qui fournit les restaurants et supermarchés de l’Etat hébreu en frites congelées. Il réside dans les environs de Tel-Aviv, et se rend ainsi à Sdérot tous les jours de la semaine. Témoignage d’un quotidien au travail sous la pression sécuritaire.
Quelle est l’atmosphère dans l’usine lorsque les roquettes commencent à tomber ?
Lorsque les roquettes commencent à tomber, nous avons quinze secondes pour nous précipiter dans l’abri ; c’est toujours désagréable. Après une longue période de calme – un an et demi – entendre à nouveau l’alerte, voir les ouvriers quitter précipitamment leur plan de travail et courir vers l’abri, est fort malheureux. Non loin de nous, quelques roquettes sont tombées ; mais, grâce à Dieu, elles n’ont causé aucun dégât.
En tant que directeur de l’usine, êtes-vous aussi responsable de la sécurité des employés ?
Bien sûr. Je suis obligé de m’en soucier. La loi israélienne veut que nous construisions des abris en fonction du nombre d’employés et de l’emplacement de leur poste de travail, de manière à ce qu’ils puissent se mettre à l’abri dans les quinze secondes suivant le déclenchement de l’alerte. L’alarme est donnée par l’armée : nous entendons, dans les haut-parleurs : « Alerte rouge ! Alerte rouge ! ».
Existe-t-il des formations spéciales en anticipation de ces situations ?
Evidemment. Tous les quelques mois, nous nous livrons à des simulations, même si le calme règne. C’est important pour les anciens comme pour les nouveaux ouvriers afin qu’ils puissent s’habituer et savoir comment réagir en situation réelle.
Avez-vous l’impression que le personnel ressent de la peur en cas d’attaque ?
Oui, toujours. Les employés ne le montrent pas, mais ils ont peur bien sûr : nul n’est un héros. Ils s’inquiètent pour les membres de leur famille : ils se demandent, à l’instant précis où retentit l’alarme, où sont leurs enfants, s’ils jouaient alors dehors, s’ils se trouvent en sécurité. Ce sont des parents, leur peur est ainsi démultipliée.
Quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit lorsque les roquettes tombent ?
Je dois m’assurer que tous les employés courent aux abris, puis je fais de même.
La semaine dernière, les attaques depuis Gaza ont commencé mercredi. Le lendemain, vous vous êtes rendu au travail. A quoi pensiez-vous en chemin, dans votre voiture ?
Non, nous ne pensons pas toujours aux roquettes ! Nous avons traversé beaucoup de périodes similaires, certaines bien plus intenses que celle de la semaine dernière. Une fois que les tirs cessent, l’angoisse cesse elle aussi. Quiconque se trouve sous les tirs pour la première fois, en sortira à coup sûr fort troublé ; ensuite il prendra le pli.
Votre femme ne vous a-t-elle jamais demandé de changer de travail du fait que celui-ci s’avérait trop dangereux ?
Non, jamais !
Vous sentez-vous protégé par le dôme de fer ?
Cela ne fait pas une grande différence pour nous à l’usine, qui est construite de telle manière à ce que chacun puisse atteindre un abri en l’espace de quinze secondes.
Que ressentez-vous lorsque Tsahal réplique sur les responsables des tirs ?
Une certaine satisfaction nous envahit ; mais c’est une réaction quelque peu futile. Au bout du compte, qui a besoin de tout cela, que l’on se tire dessus mutuellement ? Lorsque l’armée réagit, nous connaissons le contentement lié à un sentiment de revanche ; il s’agit cependant d’un sentiment tout à fait vain.