Ancien enseignant de théologie spécialisé en pensée juive, pédagogue et directeur de la revue Hamoré, Patrick Petit-Ohayon nous présente son dernier livre sur le parfum en tant qu’élément permettant l’élévation de l’homme, tant au niveau moral que spirituel.
L’Arche : La démarche théologique de l’individu franchit-elle les paliers grâce à l’élément métaphysique du parfum ?
Patrick Petit-Ohayon : Volontairement, nous n’avons pas voulu faire ressortir des paliers de perfectionnement de l’être dans notre ouvrage. Chacun peut entrer dans la démarche de raffinement de son âme, par la porte qui lui convient, en fonction de sa propre histoire de vie. Certains seront plus sensibles à la question du langage, d’autres à l’étude, etc. Comme la tente Abraham, on peut y entrer d’où l’on vient. Après, on inventera son propre itinéraire. La seule contrainte, c’est d’essayer d’y mettre tous les ingrédients. Mais, là encore, les dosages sont libres. Il ne s’agit pas d’atteindre un parfum particulier, mais bien d’élaborer son mélange personnel et d’en faire une senteur agréable aux autres.
Le parfum a-t-il un rôle unificateur ?
Je parlerai plutôt d’union. L’unification évoque l’uniformité, car tout est fondu dans un seul élément. L’union, comme celle du bouquet de fleurs, réunit des êtres différents, des parfums diversifiés. Certes, on peut s’unir autour d’un parfum, mais cela n’est pas l’objectif. Un parfum se partage pour donner de la joie, du plaisir, de la force à l’autre, mais aussi, l’envie de travailler le sien propre.
Que pensez-vous du livre de Patrick Suskind ?
On est très loin, ici, du livre de Patrick Suskind. La recherche obsessionnelle d’un parfum absolu fait du héros du roman, un « serial killer ». Il n’y a aucun travail sur soi. Le parfum est extérieur aux personnages, il est indépendant d’eux et cause leur perte. Dans notre réflexion, on est dans un parfum immatériel qui est l’image abstraite de l’impression qu’un individu raffiné et riche d’une profondeur d’âme peut avoir sur d’autres hommes. On est dans une démarche de sanctification de l’humain, non dans sa réduction à un parfum.
La notion de partage prend un sens particulier dans votre œuvre. Partage avec Dieu, avec autrui, avec les prochaines générations !
En effet, la notion de partage me semble essentielle, car c’est le moyen de lutter contre les tentations de l’Ego. Or, elles nous empêchent de rencontrer vraiment l’autre, qu’il soit humain ou divin. Elles nous enferment dans une tour d’ivoire où l’on ne peut vivre de manière authentique en tant qu’homme. Le partage est une modalité de l’ouverture à l’autre et donc, de l’accès à une humanité pleine et entière.
Le vouloir-faire est-il le liant entre l’homme et ses capacités ?
Le vouloir-faire permet d’exprimer ses potentialités. Lorsque l’homme transforme ses idées en faire, il passe par l’expression de sa volonté. Vouloir parfumer le monde, ce n’est pas le faire. C’est une étape qu’il faut dépasser pour la réalisation concrète de ses aspirations. L’homme véritable est un être en action qui est le reflet, la résurgence de ses idées, puis de ses vouloirs.