« Israel est une société très libre. Lorsque la chanson ‘Mammy’ qui figure dans le film est sortie à la fin des années 80, elle est passée comme une lettre à la poste. Cela fait partie de l’ADN israélien, ce sentiment de liberté, cette volonté de ne pas se voir dicter ce qu’on doit penser ou faire », déclare le réalisateur Eran Riklis. Ce fut intéressant de le voir parler avec sérénité et enthousiasme de son film Mon fils. Et une joie surtout de le retrouver dans une œuvre qui possède la force de La Fiancé syrienne. Cela fait de nombreux films qu’Eran Riklis nous montre le clash cinématographique des civilisations et surtout des clichés colportés. Mais jamais il n’avait jamais réussi à nous proposer une vision aussi large, englobant des points de vue et craintes aussi différents que réels. Cela à travers la filiation d’une terre et la volonté de mères brisant ou contournant les élans guerriers des pères. Iyad (interprété par Tawfeek Barhom), un lycéen arabe-israélien quitte son village pour retrouver une école de haut niveau à Jérusalem, bénéficiant d’une bourse et d’un accueil plus que mitigé.
Jonathan (joué par Michael Moshonov), également élève au lycée, est atteint d’une maladie héréditaire, et se voit confiné à sa chaise roulante et à l’ennui. Avec Iyad il partage les cris de révolte de l’univers punk anglais et israélien, à l’image du concert où ils se prennent comme une claque la chanson « Mammy ». Malaise dans la salle lors du concert, dans le regard des acteurs et du public aussi peut-être.
« Le fait de traiter d’un sujet qui date d’il y a plus de vingt ans permet d’avoir un regard analytique, critique, voire nostalgique. C’est d’autant plus efficace. Réaliser un film sur la société actuelle est très risqué dans un pays comme Israël où tout va tellement vite, chaque actualité prête à vous contredire dès le lendemain. » Eran Riklis prend en effet du recul, offrant un film à la fois drôle, émouvant et dérangeant. Une palette d’émotions que n’est pas seulement la société israélienne mais bien la ville de Jérusalem où se déroule la plupart du film. La capitale israélienne n’est pas que le lieu accueillant trois religions. Elle est aussi celle d’un underground culturel d’où allait émerger les grands noms de la scène et des écrans.
Mais pour dépasser les conflits et soigner les plaies du temps, on peut compter sur la majorité de moins en moins silencieuse : les femmes. En commençant par ces mères, jouées avec tant de justesse par Laetitia Eido et Yael Abecassis. Des femmes prêtes à faire mentir les idéaux de leurs juges et pères pour que se concrétisent ceux de leurs progénitures. Ce film confirme, s’il en était encore besoin, que Yael Abecassis peut tout jouer. Qu’il suffit comme disait Dalio au sujet Signoret de la mettre devant une caméra et le talent fait le reste. Et c’est dans les yeux de la jeune Danielle Kitzis, qui interprète le rôle de la petite amie d’Iyad, qu’on retrouve une référence à autre actrice française. Un regard rappelant celui de l’éternelle Marie-France Pisier.
Mon fils d’Eran Riklis. Sortie en DVD le 17 juin.