Implanté à à peine 5km d’Aix-en-Provence, Les Milles est le seul grand camp d’internement et de déportation sous commandement français durant la Seconde guerre mondiale encore intact. « Un Vel d’Hiv du sud », selon les responsables du Mémorial, puisque celui de Drancy, près de Paris, a été réhabilité en logements après guerre. Inauguré en 2011 par le Premier ministre, alors Jean-Marc Ayrault, le Mémorial a nécessité près de trente ans de mobilisation d’historiens et de survivants avant qu’il n’ouvre ses portes pour retracer, in situ, toutes les étapes de sa douloureuse histoire.
Cette ancienne tuilerie illustre en effet le pire de la politique de collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie. Plus de 10 000 internés étrangers transitèrent dans cet immense bâtiment, parmi lesquels 2000 Juifs – dont une centaine d’enfants – qui seront ensuite envoyés à Auschwitz. La particularité du camp des Milles est qu’il « accueillit » de nombreux artistes et intellectuels allemands et autrichiens, majoritairement juifs, qui s’étaient réfugiés en France pour fuir le régime hitlérien. Ils se retrouvèrent à leur plus grande incompréhension derrière les barbelés en tant que « ressortissants de la puissance ennemie », avant que celle-ci n’occupe tout le territoire et finisse donc par les déporter. Les peintres Max Ernst et Hans Bellmer, les écrivains Lion Feuchtwanger et Walter Hasenclever ou encore le prix Nobel de médecine Otto Meyerhoff y ont transité.
Le président du Mémorial, Alain Chouraqui, souhaite plus que jamais ancrer ce lieu de souvenir dans le présent, en déconstruisant « l’engrenage des peurs et des haines ». Une partie du site est ainsi consacrée à un « volet réflectif » où sont mis au jour les « mécanismes qui ont conduit et peuvent encore conduire au pire ». Les actions à destination principalement des centres sociaux et des établissements scolaires de quartiers prioritaires se sont multipliées et une convention entre l’Etat et le camp des Milles a été signée lundi dernier par Manuel Valls. Le Premier ministre a en effet profité de sa visite de deux jours à Marseille pour se rendre aux Milles afin de rencontrer 150 élèves et leurs enseignants issus de quartiers difficiles de l’agglomération phocéenne.
Durant quarante cinq minutes, Manuel Valls s’est prêté à des questions-réponses qui ont parfois révélé l’ignorance ou la confusion qui règne dans les esprits de ces jeunes. Interrogé par un élève sur « les gens dans un certain nombre de quartiers qui se sentent indésirables », le chef du gouvernement a d’abord pris soin de marquer la différence entre les persécutions d’Etat sous l’Occupation et la situation des quartiers aujourd’hui, car « si on mélange tout, si tout est mis sur un même pied d’égalité, on ne s’en sort pas », a-t-il expliqué, ajoutant que « faire ce constat ne veut pas dire qu’on ne reconnaît pas qu’il y a des problèmes lourds et graves dans un certain nombre de quartiers populaires ». Rappelant avoir parlé le mois dernier d’un « apartheid social, territorial et ethnique », Manuel Valls a reconnu que c’était « un problème de longue haleine » mais que ce ne devait pas empêcher d’« apprendre à être français et à aimer être français ».