Taper le mot Shoah sur Youtube et constater que les premières occurrences proposées sont, dans l’ordre : une captation sordide de Robert Faurisson et une autre, tout aussi sordide, de Vincent Reynouard, un négationniste notoire récemment condamné à une peine de prison ferme pour la diffusion de contenus niant l’existence des chambres à gaz. Ces contenus haineux ne sont plus seulement accessibles dans de micro-librairies obscures d’extrême-droite mais sont disponibles dorénavant en « libre-service », en un clic, partout et par tous, et en particuliers par les plus jeunes publics.
Faut-il alors réguler les propos haineux tenus sur Internet ? La réponse est » oui » pour une majorité de Français, selon un sondage Opinionway réalisé pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), en marge des premières » Assises de la lutte contre la haine sur Internet » que l’association organisait ce dimanche 22 février à Paris.
Selon l’étude, publié dans le JDD, 92% de la population est favorable à l’idée de bloquer et déférencer les sites internet faisant l’apologie du terrorisme, et 89% sont partisans de « responsabiliser les opérateurs comme Google, Facebook et Twitter pour une plus grande maîtrise des contenus diffusés ». Ils sont également majoritairement favorables à la proposition d’instaurer « un système d’amendes pour les auteurs de messages de haine » (83%), ou de « rendre systématique le renseignement, lors d’une inscription sur une plateforme ou un réseau social, de son identité officielle dans un formulaire restant confidentiel » (78%). Par ailleurs, 83% estiment que la possibilité de poster sur internet des contenus sous couvert d’anonymat « favorise l’expression de propos haineux » et 74% qu’elle représente « un danger pour la société ». Si près d’un quart de la population juge crédibles les informations délivrées par les forums de discussions (25%), les vidéos (25%), les blogs (22%) et les réseaux sociaux (21%), cette proportion augmente chez les jeunes: 40% des 18-25 ans considèrent « crédibles » les forums de discussions, 36% les vidéos sur internet, 32% les blogs et 35% les réseaux sociaux. La moitié des Français dit avoir déjà été confrontée sur internet à des propos racistes (51%) ou antimusulmans (49%), tandis que 45% ont été confrontés à des propos homophobes ou xénophobes, et 43% à des propos antisémites. Ils sont également 38 % à avoir eu affaire à des propos « complotistes » ou négationnistes.
Lors de ces assises, de nombreux intervenants étaient au rendez-vous dont Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, Gilles Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, des porte-paroles des groupes Facebook et Microsoft, des représentants de la société civile, ou encore la ministre de la Justice, Christiane Taubira, venue clôturer cette journée de tables-rondes. Pour la Garde des Sceaux, internet reste “ un champ de liberté qui peut conduire à la mobilisation citoyenne “, mais est aussi un espace où “ l’on trouve aussi le pire “. Cette dernière assure « travailler sur l’amélioration du dispositif de signalements des infractions aux niveaux national et international “ et s’atteler à la « facilitation des poursuites judiciaires pour les infractions racistes et antisémites en les sortant de la loi de la presse.” Du côté d’Axelle Lemaire, il s’agit notamment “ d’ apprendre à apprendre sur internet et empêcher que cet outil soit sabordé et devoyé “.
Pour Sacha Reingewirtz, président de l’UEJF : “ Les jeunes générations sont à la fois les plus exposées et les plus vulnérables à la haine sur Internet (..) Nous refusons la propagation d’idéologies mortifères. A la lumière de ce sondage, nous constatons que près de 20% des Français de moins de 35 ans estiment que les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ne se seraient pas exactement déroulés tels que les médias les ont relatés…Les théories complotistes qui se sont propagées immédiatement après ont eu malheureusement une certaine audience .”
Aline Le Bail-Kremer, avec AFP