Produite et animée par Adèle Van Reeth, philosophe et normalienne, « Les Nouveaux chemins de la connaissance » est l’émission phare de France Culture. Ecoutée par les très nombreux auditeurs fidèles au rendez-vous quotidien de l’émission, elle est la plus téléchargée du groupe Radio France. Adèle Van Reeth sait donner vie aux thèmes philosophiques les plus abstraits et montrer, comme elle le dit elle-même, « que la philosophie n’est pas seulement dans les textes, qu’elle n’est pas une discipline universitaire fermée, mais que l’on peut philosopher sur n’importe quel sujet. » « Philosopher, c’est le goût de s’étonner, d’ouvrir des portes dont on ne soupçonnait pas l’existence, de formuler des questions qui nous préoccupent » : c’est dans cet esprit qu’Adèle Van Reeth et son équipe ont quitté momentanément leur studio parisien pour « poser leurs micros » à Tel Aviv et à Ramallah.
« Tel Aviv- Ramallah : Quelle place pour la philosophie ? » : les remous de la politique au Proche-Orient – ce que Descartes appelle « l’urgence de l’action » – ne laissent pas toujours le loisir de se pencher sur ce genre de problème. Il est d’autant plus nécessaire de se le poser comme Adèle Van Reeth l’a fait en conversant avec Muki Tsur et Denis Charbit de l’approche du hassidisme et de l’engagement sioniste de Martin Buber et de Gershom Scholem, de la philosophie et de la pensée juive israéliennes avec Shalom Rosenberg et Michael Roubach, du rôle du philosophe dans le conflit israélo-palestinien avec Sari Nusseibeh, et du rayonnement impressionnant de Levinas en Israël avec Rama Ayalon, sa traductrice, et moi-même. De retour à Paris, elle m’a fait part de ses impressions de voyage.
Comment l’idée de faire ces émissions à Tel Aviv et Ramallah vous est-elle venue?
Cette idée nous est venue naturellement puisque Tilla Rudell, attachée culturelle à l’Institut français, y a organisé, dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 mai, La Nuit de la philosophie et des arts. Cela a été pour moi l’occasion d’enregistrer trois des quatre émissions qui ont été diffusées sur France culture du 1er au 4 juin.(http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-tel-aviv-ramallah-quelle-place-pour-la-philosophi)
Je ne m’adresse jamais aux auditeurs de manière abstraite. J’aime sortir du studio où nos émissions ont lieu d’habitude et je suis toujours ravie d’aller à leur rencontre. C’est d’ailleurs la vocation des Nouveaux chemins de la connaissance. J’aime aussi montrer aux auditeurs qu’il n’y a pas seulement des philosophes parisiens et français, qu’il y a d’autres manières de philosopher, de poser les problèmes, d’autres références philosophiques et culturelles.
Qu’est-ce que le fait de s’adresser à des auditeurs israéliens ou palestiniens a de particulier ? Les deux publics vivent dans des contextes très différents et leurs relations sont loin d’être paisibles, même s’il y a toujours des possibilités d’échanger des idées au niveau personnel.
Notre émission n’est pas liée à l’actualité, elle a quelque chose d’intemporel en raison même des problèmes philosophiques éternels dont elle traite. En même temps, elle est ancrée dans la vie quotidienne. Il était très important pour moi de faire connaître au public français d’autres aspects que celui du conflit entre Israéliens et Palestiniens. A Tel Aviv j’ai discuté avec les gens qui circulaient le long du boulevard Rothschild tout au long de la Nuit de la philosophie. A Ramallah, j’ai parlé avec ceux qui étaient venus assister à l’enregistrement de l’émission. J’ai été agréablement surprise par le désir, clairement exprimé des deux côtés, de s’abstraire, ne serait-ce qu’un moment, du contexte politique pour s’engager dans des débats d’idées.
Vos invités de Tel Aviv sont israéliens, même si certains d’entre eux sont originaires de France ou d’Argentine. Tout en étant tout à fait en phase avec ce qui se fait à l’étranger, ils sont préoccupés par des problèmes qui ont trait à la société israélienne et aux débats qui y ont cours. Cela n’a-t-il pas eu pour vous quelque chose de déroutant ?
J’ai été impressionnée par la richesse des réponses que les philosophes et intellectuels israéliens ont apportées aux thèmes que nous avons abordés. J’ai beaucoup apprécié leur volonté de dialogue qui transparaissait aussi dans la réflexion de Sari Nusseibeh sur le rôle médiateur que le philosophe peut et doit jouer dans le processus qui mène à la paix. Tout cela a été très dense et très passionnant mais aussi un peu frustrant parce que ma visite a été trop courte. J’aimerais revenir ici à nouveau pour pouvoir explorer plus avant les thèmes abordés lors des émissions.