L’art est souvent une histoire de rencontres insoupçonnables, de présentation appuyée pour rendre hommage ou mieux donner envie d’aimer la capture d’une image. Souvent lorsqu’elle semble hors du temps pour ceux qui ne lèvent pas les yeux la nuit quand les artistes survolent la ville et partagent au petit matin ses couleurs. C’est le sentiment qu’on peut avoir en voyant Jean-Paul Belmondo lire dans sa baignoire un passage de l’Histoire de l’Art d’Elie Faure, en guise d’introduction au film Pierrot le fou de Godard.
C’est aussi ce clin d’oeil de Lino Ventura qui, après avoir salué la mémoire de son maître et frère Jean Gabin à la cérémonie des Césars l’année suivant sa mort, acclame son ami César, en parlant des bons petits plats qu’ils partagent dans sa maison de campagne. Quelques années plus tard, ce même César sera présent lorsque Cédric Naimi aura ce satori, véritable coup de pied dans l’œil comme disait Kerouac, en voyant en 1985 des graffitis sur un mur.
Naimi, qui fut une des grandes personnalités de la nuit parisienne dans les années 80 et 90, dirigeant notamment le Palace, a partagé les nuits de ceux qui les animent sur scène, sur les ondes et sur les murs. Il réunit pour la première fois une œuvre complète intitulée État des lieux du Graffiti et du Street Art. En donnant la parole aux artistes d’hier et d’aujourd’hui. Ces différents témoignages permettent de mieux comprendre et distinguer une œuvre d’art d’une volonté de salir un mur. Car si certains le font dans un simple esprit de marquer un territoire ou de souiller une œuvre d’art, la majorité des artistes le font pour empêcher que leur ville se transforme en Alphaville. Que le béton cesse de manger le gazon.
Les graffs ne sont pas réservés aux cités ou aux métros. Ils peuvent même apparaitre dans un hôpital à l’image de l’œuvre de Keith Haring réalisée pour l’Hôpital Necker en 1987. Dans la dernière interview du livre, Florence Mahé-Dombis, directrice du mécénat, explique tous les efforts réalisés par l’hôpital pour permettre de garder cette œuvre malgré les rénovations. Car ce livre n’est pas seulement celui des artistes, mais de ceux qui ont contribué à l’évolution de cet art et de la culture hip hop depuis 30 ans. Qu’il s’agisse d’agnès b. qui écrit la préface ou de Sidney, celui qui fit découvrir le hip hop (et Madonna) au grand public. Il raconte d’ailleurs sa tournée avec un jeune DJ, David Guetta, dans leur van Nation Rap justement graffé à travers la France pour faire découvrir cette musique.
Artistes, collectionneurs, galeristes, commissaires-priseurs, organisateurs d’expositions, photographes, avocats, journalistes et représentants d’institutions publiques et culturelles prennent tour à tour la parole dans ce livre qui deviendra La référence en la matière.
Cédric Naimi, État des Lieux du Graffiti au Street Art. Editions Carpentier.