C’est l’attaque la plus meurtrière que la France ait jamais connue. 129 morts, parmi lesquels de nombreux jeunes, et près de 350 blessés. A l’heure où nous écrivons, des dizaines de victimes sont encore entre la vie et la mort. L’état d’urgence a été instauré sur l’ensemble de la métropole. Les écoles, les universités, les cinémas, les grands magasins, la tour Eiffel, Disneyland, le Louvre, Versailles…ont été fermés. « Cette fois-ci, c’est la guerre » dit « Le Parisien ». « Les guerres en plein cœur de Paris » clame « Le Figaro ». « Carnage à Paris » affirme « Libération ». Un journaliste du « Monde » a pris des images à la porte du Bataclan. Scènes de chaos, de panique, de violence, qui sont des scènes de guerre. Et selon le témoignage d’un homme qui était à l’intérieur du bâtiment, les terroristes, qui avaient le visage encagoulé, ont tiré sans arrêt pendant plus d’une heure. Jusque tard dans la journée de samedi, des familles hébétées couraient d’hôpital en hôpital, sans arriver à avoir des informations sur le sort de leurs enfants.
L’enquête est soumise pour l’instant à un « black out » total. On fait état d’un passeport syrien retrouvé sur le corps d’un des kamikazes (il y en a eu sept) aux abords du Stade de France. Ce qui voudrait dire que contrairement aux attentats de l’an dernier contre Charlie Hebdo et contre l’Hypercasher, il ne s’agit peut-être pas seulement de djihadistes français du type Coulibaly ou les frères Kouachi.
Il est trop tôt, bien entendu, pour voir clair. Ce qui est sûr, c’est que des attentats de cette dimension nous font plonger dans une autre catégorie. Elles font penser effectivement à des situations de guerre, et on peut imaginer que ces attentats n’ont pas été perpétrés par 7 ou 8 opérateurs-kamikazes, mais par une cellule beaucoup plus élargie et beaucoup plus dangereuse. Et puisque Daesch, acronyme de l’Etat islamique, a revendiqué cette série d’actes de terreur, cela suppose que cette organisation peut choisir le moment qu’elle veut, les cibles qui l’intéressent, et là où elle l’a choisi, de manière simultanée, en réussissant à semer l’effroi.
A quelle réaction faut-il s’attendre de nos gouvernants pour faire face à l’effroi ?
On dit : il y aura un avant et un après. Mais on a dit cela après Toulouse il y a trois ans. On l’a dit après les attentats de janvier 2015. Et on s’aperçoit qu’il y a des « après » qui ressemblent aux « avants ». De Toulouse aux attaques en série à Paris, l’horreur monte à chaque fois d’un cran, et cette fois-ci de quelques crans supplémentaires.
On savait, on supposait, on imaginait, que ça viendrait. C’est venu, avec plus d’intensité, et avec une violence terrible, insoutenable, parce qu’elle visait des jeunes sans défense, qui se rendaient innocemment à un concert de rock et qui ont rencontré la mort.
Pour ces jeunes qui sont morts en allant au spectacle comme Fanny, la cousine de notre amie et collaboratrice de l’Arche – qui nous envoie ce message déchirant que personne ne peut lire sans être remué au plus profond : « Ma cousine, parce qu’elle aimait le blues, est morte, hier, au Bataclan » -, et comme tant d’autres que nous découvrirons sans doute autour de nous, pour ceux qui sont morts en allant dîner au « petit Cambodge » entre copains, pour toute cette génération qui a vu les corps gisants dans les rues de Paris, il faut des réponses. Et des réponses à la mesure de l’effroi.
SM