De nombreuses personnalités ont répondu présent ce 11 février à la mairie du XIème arrondissement pour la commémoration organisée par l’UEJF en partenariat avec SOS racisme, à l’occasion des dix ans de l’assassinat d’Ilan Halimi. Une cérémonie digne qui a donné lieu à une réflexion sur l’antisémitisme actuel.
Il fait déjà nuit quand les derniers arrivants pénètrent dans la grande mairie du XIème arrondissement de Paris située place Léon Blum, pour la soirée organisée par l’UEJF, en partenariat avec SOS racisme. Une dizaine de personnalités et environ deux cents anonymes ont fait le déplacement pour commémorer les dix ans de l’assassinat d’Ilan Halimi et engager une réflexion sur le renouveau de l’antisémitisme.
Dans cette salle luxueuse ornée de peintures, de lustres et au parquet bruyant, une petite scène est improvisée pour que chacun des invités puisse honorer la mémoire de celui qu’on appelle affectueusement, sans jamais l’avoir connu, « Ilan ». Ilan, ce jeune homme de 23 ans assassiné parce qu’il était juif, kidnappé et lynché à cause des éternels préjugés antisémites, selon lesquels les juifs disposent du pouvoir de l’argent. Le maire du XIeme arrondissement, François Vauglin, le président de l’UEJF Sacha Reingewirtz, le président de SOS Racisme Dominique Sopo, mais aussi Gilles Clavreul délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, la romancière Emilie Frèche, le psychanalyste Gérard Miller, le grand rabbin de Paris Olivier Kaufmann, ont tous répondu présent à l’événement.
Chacun dénonce le crime du « gang des barbares », chacun analyse à sa façon ce meurtre comme le symptôme d’une époque. Ce que cette tragédie révèle du climat délétère pour la communauté juive de France. « Dix ans, c’est comme si c’était hier, commente Sacha Reingewirtz. Il y a un avant et un après Ilan Halimi. Avant, on pensait que l’antisémitisme était un combat passé, que les luttes pour les dignités humaines avaient lieu quelque part ailleurs. Aujourd’hui on a tué un jeune garçon parce qu’il était juif ». Avant de nommer, un à un, le nom de chaque personne fauchée par le crime antisémite depuis Ilan. « Que la mémoire d’Ilan Halimi serve de lumière et qu’elle permette à la France de retrouver son espoir dans l’avenir. » conclu-t-il, optimiste.
Le président de SOS racisme prend ensuite la parole pour rappeler que « l’antiracisme ne peut se pervertir avec des positions antisémites » et que « l’antiracisme est pour l’émancipation donc ceux qui pensent qu’il faut lutter contre les juifs feraient mieux de lutter contre le racisme ». Ajoutant : « L’antisémitisme n’est pas l’affaire des juifs. Lorsque des enfants sont assassinés dans une école, ce n’est pas l’affaire des juifs. Quand des gens dans un supermarché casher se font massacrés, ce n’est pas l’affaire des juifs. Il s’agit d’un combat universel, indissociable des progrès de la civilisation. »
Après les applaudissements, vint une réflexion sur les mots. Qui refuse encore d’admettre le caractère antisémite du meurtre d’Ilan Halimi ? Beaucoup plus de personnes qu’on ne le croit. Un court-métrage réalisé par Georges Benayoun et projeté sur le mur par un vidéo-projecteur le raconte : certains refusent la spécificité de ce meurtre, le qualifiant de crapuleux, refusant par naïveté ou non, de nommer sa dimension antijuive. Comme les policiers chargés de l’enquête avaient refusé de le voir, dans un premier temps.
Au visionnage du film, succède une réflexion de Gérard Miller. A la question : « Pourquoi ceux qui cachent le crime sont-ils si souvent sourds ou aveugles ? », le psychanalyste répond à sa façon. « Parce qu’on ne voit pas avec les yeux et on n’entend pas avec des oreilles, explique-t-il, mais avec des signifiants. » Celui-ci a rappelé son amitié ancienne avec Dieudonné et ces années passées où il n’avait pas su voir l’antisémitisme de son « copain », jusqu’à ce que « l’évidence lui saute aux yeux ».
La soirée s’est terminée par la présentation d’un sondage IFOP, commandé par SOS Racisme et l’UEJF. Publiée aujourd’hui sur Le Parisien, cette enquête faite en ligne sur un échantillon de 1.500 personnes représentatives de la population française, montre que les préjugés concernant la communauté juive de France sont encore tenaces : 32 % estiment que les juifs se servent dans « leur propre intérêt » de leur statut de victime du nazisme, de même que de nombreux sondés pensent que les juifs sont plus riches que la moyenne (31 %), avec par exemple trop de pouvoir dans les médias (25 %).